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À MON PÈRE.

Le grand aigle, tombant de l’empire céleste,
Sème sa trace au loin de son plumage épars.

Qu’il dorme maintenant dans son lit de poussière !
On ne voit plus, autour de sa couche guerrière,
Vingt courtisans royaux épier son réveil ;
L’Europe, si longtemps sous son bras palpitante,
Ne compte plus, assise aux portes de sa tente,
Les heures de son noir sommeil.

Reprenez, ô français ! votre gloire usurpée.
Assez dans tant d’exploits on n’a vu qu’une épée !
Assez de la louange il fatigua la voix !
Mesurez la hauteur du géant sur la poudre.
Quel aigle ne vaincrait, armé de votre foudre ?
Et qui ne serait grand, du haut de vos pavois ?

L’étoile de Brennus luit encor sur vos têtes.
La Victoire eut toujours des français à ses fêtes.
La paix du monde entier dépend de leur repos.
Sur les pas des Moreau, des Condé, des Xaintrailles,
Ce peuple glorieux dans les champs de batailles
A toujours usé ses drapeaux.

III



Toi, mon père, ployant ta tente voyageuse,
Conte-nous les écueils de ta route orageuse,
Le soir, d’un cercle étroit en silence entouré.
Si d’opulents trésors ne sont plus ton partage,
Va, tes fils sont contents de ton noble héritage :
Le plus beau patrimoine est un nom révéré.

Pour moi, puisqu’il faut voir, et mon cœur en murmure,
Pendre aux lambris poudreux ta vénérable armure ;