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EXPLICATION DE LA VIE ET DE LA MORT.

Dans l’immensité de la création infinie, il n’est pas un être créé auquel n’aboutisse un rayon de Dieu.

Par ce rayon toute âme partielle est en communication directe avec l’âme centrale.

De là la prière efficace.

[1832-1836.]

persistance du moi.

Un homme dort. Il fait un rêve. Il rêve qu’il est bête fauve, lion, loup, et il lui arrive toutes les aventures des bois. A son réveil il se retrouve. Le rêve s’est évanoui. Il est après ce qu’il était avant. Il est homme et non lion.

Le lendemain il fait un autre rêve. Il est oiseau ou serpent. Il s’éveille et se retrouve homme.

Ainsi de la vie. Ainsi de toutes les vies terrestres que nous pourrons être condamnés à traverser. Les vies planétaires sont des sommeils. Ces vies peuvent n’avoir aucun lien entre elles, pas plus que les rêves de nos nuits.

Le moi qui persiste après le réveil, c’est le moi antérieur et extérieur au rêve. Le moi qui persiste après la mort, c’est le moi antérieur et extérieur à la vie.

Le dormeur qui s’éveille se retrouve homme. Le vivant qui meurt se retrouve esprit.

[1848-1850.]

Une idée m’a traversé l’esprit. Serait-ce une lueur ?

Deux hommes contestent. Ils parlent de la vie future. L’un l’affirme, l’autre la nie. L’un dit : — La mort n’est pas. Mon moi persistera. Je sens en moi l’immortalité. Je m’appelle l’âme. — L’autre dit : — Il n’y a rien après la mort. Mon moi sera mangé des vers. Je mourrai tout entier. Je ne sens pas en moi de lendemain. Je m’appelle cendre.

De là deux philosophies qui se querellent et qui marquent la diagonale même de l’esprit humain.

Au nom de quoi parlent ces deux hommes ? Au nom du sens intime. Ni l’un ni l’autre n’a vu de ses yeux ni touché de ses mains ce qu’il croit. L’affirmation de l’un et la négation de l’autre n’ont d’autre source que l’intuition. Dans tous les deux, c’est le sens intime qui parle ; le sens intime, l’innéité même, la grande voix sacrée qui chuchote mystérieusement à l’oreille de toute âme. Dans le cas présent, cette voix se contredit ; à l’oreille de l’un, elle dit : immortalité ; à l’oreille de l’autre, elle dit : néant ; elle révèle à la pre-