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TAS DE PIERRES. — V.

fraction ; ou, mieux encore, ce qui est plus difficile, prendre la résultante de toute l’assemblée, parler dans la moyenne de la pensée de chacun, et alors on a pour levier toute la force de l’assemblée elle-même. On remue quelque chose dans chaque esprit. Par moments, on touche le fond de tous.

Ce fond, on peut le toucher également, mais par occasion et non à volonté, avec la seule puissance du sentiment individuel et de la conscience convaincue, mais alors on n’est pas un orateur ; on est un homme ; ce qui est plus rare d’ailleurs.

C’est du reste une erreur, erreur généreuse, de croire qu’on peut dominer une assemblée avec les idées du dehors. On ne remue une assemblée qu’avec ce qui est dans l’assemblée. Il est pourtant quelquefois beau d’essayer.

[1846-1848.]

La Révolution, c’est le changement d’âge du genre humain. Dites-en ce que vous voudrez, du bien ou du mal, le fait vous domine. C’est la grande crise de la virilité universelle.


La Révolution est le couteau avec lequel la civilisation a coupé son lien.


Dans la Révolution tout le monde est victime et personne n’est coupable.

[1853-1854.]

Robespierre fut l’effrayant correcteur d’épreuves de la Révolution. Il y mit son deleatur. Cet immense exemplaire du progrès, revu par lui, garde encore la lueur de sa prunelle sinistre.


Voltaire, c’est la mine ; Mirabeau, c’est l’explosion.

[1832-1834.]

Les révolutions sont ainsi ; formidables liquidations de l’histoire ; créations génésiques de lois, de codes, de faits, de mœurs, de progrès, de prodiges ; énormes mouvements de peuples et d’idées qui mêlent tous les hommes dans une même convulsion joyeuse, qui dégagent la liberté électrique, qui font trembler les deux mondes du même tremblement, qui tirent d’un seul éclair deux coups de tonnerre, l’un en Europe, l’autre en Amérique, qui,