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POST-SCRIPTUM DE MA VIE.

commentateurs ; autant de religions que de prêtres. Chaque page déchirée du livre magistral engendre un tome. Tome souvent dépareillé. Vingt petits Luthers, se querellant dans des coins avec les faits, les textes, les hommes et les idées, surgissent, à peine aperçus, au milieu de cette Europe qu’un grand Luther remplissait. Calvin règne à Genève, Zwingle à Zurich dans les montagnes de l’Albis, le frère Martin à Marbourg, Bucer à Strasbourg, Acolampade au pied du Hauenstein de Bâle, Mélanchton à l’université de Wittenberg.

Ce phénomène, au reste, se reproduit, presque avec les mêmes circonstances, dans l’histoire de toutes les philosophies et de toutes les religions. Il vient un moment où la pensée-mère, l’auguste pièce d’or marquée à la royale face du maître, disparaît. Un tas de petites idées de cuivre ou de plomb, frappées à l’effigie d’une foule de petits hommes, se mettent à circuler parmi la multitude. On avait une philosophie, on a des systèmes ; on avait un sequin d’or, on a de la monnaie.

Est-ce un bien ? Est-ce un mal. ? Faut-il nous plaindre de ce que le faux se mêle ainsi fatalement toujours au vrai dans une certaine proportion ? Le mensonge est-il nécessaire à la vérité, pour le rendre propre aux usages humains, comme l’alliage au métal ?

Je pose ces questions. Les résolve qui pourra.

Pourtant, même pour l’esprit qui sait le mieux se tenir en équilibre avec les faits, quand ce pêle-mêle des philosophies humaines devient tumultueux, — et peu de chose suffit pour cela, — le spectacle est triste. Ce ne sont plus alors des discussions, des argumentations, des théories mises au jour, des enseignements mêlés à des affirmations ; c’est un brouhaha, un vacarme, une rumeur dans la nuit, une sorte de carnaval vertigineux de la pensée où tous les sophismes travestissent toutes les raisons, où toutes les sagesses passent déguisées en folies. Triste spectacle, je le répète. Des ténèbres pleines de bruit ; une cohue de visions ; des étourdissements et des éblouissements ; des systèmes hideusement rayonnants, plutôt propres à incendier qu’à illuminer, jetant des lueurs sur toutes les hypocrisies variées de l’espèce humaine ; des torches éclairant des masques.

[1838-1842.]

Trois est le nombre parfait.

L’unité est au nombre trois ce que le diamètre est au cercle.

Trois est parmi les nombres ce que le cercle est parmi les figures.

Ce nombre trois est le seul qui ait un centre.

Les autres nombres sont des ellipses et ont deux foyers.