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N’y comprenant rien, il chercha un sens, finit par le trouver et imprima le vers comme il suit :

Et, rose, elle a vécu ce que vivent les roses.

C’est ainsi que d’une faute de goût du poëte et d’une faute d’impression du prote est né un des plus charmants vers de la langue française.

[1836.]

DESCARTES. — SPINOSA.

Descartes énonce, Spinosa raisonne. Descartes, c’est l’homme des idées premières, Spinosa, c’est l’homme des idées secondes ; Descartes est le métaphysicien, Spinosa est le logicien. Or la métaphysique et la logique, complétées et mises en communication par la dialectique qui est entre elles comme un pont qui va d’une rive à l’autre, c’est la trinité mystérieuse qui compose cette grande unité, la pensée.

[1836-1837.]

LA BRUYÈRE.

Il ne faut pas se méprendre sur l’état où est aujourd’hui la langue française. Fixée, non ; formée, oui.

Les langues ne se fixent pas. Je l’ai dit ailleurs déjà[1] et j’ai expliqué pourquoi. Il n’y a de langues fixées que les langues mortes.

Veut-on se rendre compte par un exemple des oscillations de la langue depuis la fin du dix-septième siècle seulement ?

La Bruyère, qui est le dernier par la date des auteurs classiques de cette belle époque, pouvait écrire et écrivait cette phrase :

Quelles grandes démarches ne fait-on pas au despotique par cette indulgence !

Aujourd’hui, le sens du mot démarche est déterminé ; il ne s’emploie plus dans le sens où La Bruyère l’emploie ; il faut le mot pas.

première traduction.

Quels grands pas ne fait-on pas au despotique par cette indulgence !

Mais le despotique, pris substantivement, n’est plus usité ; il faut despotisme.

  1. Préface de Cromwell. (Note du manuscrit.)