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[CRITIQUE.]

HORACE.

Horace se promène sur la Voie sacrée, comme c’est son habitude, dit-il, sicut mens, est mos, roulant dans son esprit il ne sait plus quelles bagatelles et tout à elles, totus in illis. Il rencontre un passant. Qu’est-ce que ce passant ? Est-ce un personnage illustre, un prince, un sénateur, un empereur ? Est-ce Mécène ? Est-ce Auguste ? Non, c’est un passant, c’est le premier venu, c’est un fâcheux. Eh bien, ces deux hommes deviendront poussière et leur poussière deviendra néant, les jours, les mois, les années, les siècles, s’écouleront, la Voie sacrée s’effacera de la surface de la terre comme la ride que fait dans le sable la baguette d’un enfant, Rome changera de forme et de destinée, tout s’évanouira dans le souvenir des générations, excepté la rencontre de ces deux hommes. Cette rencontre sera immortelle, immortelle comme les plus illustres rencontres de l’histoire, immortelle comme l’entrevue de Porus et d’Alexandre, comme l’entretien de Pompée et de César, comme la conférence des deux empereurs sur le Niémen, immortelle ! pourquoi ? Mon Dieu ! par la plus petite et la plus grande de toutes les raisons. Parce qu’il a plu à Horace de la raconter.

[1836-1840.]

BACON. — DESCARTES. — KANT.

Bacon écrit l’Instauratio magna.

Descartes écrit le Discours de la méthode.

Kant écrit la Critique de la raison pure.

Le triple linéament de la philosophie est fixé.

Bacon prend pour point de départ le fait, et enfante la science. Descartes prend pour point de départ l’idée, et enfante la métaphysique. Kant marie les deux enfants. Il accouple idée et fait, métaphysique et science, âme et univers, sujet et objet. Il démontre que l’homme, étant le relatif, ne peut comprendre que le rapport. L’homme voit le phénomène à la surface de l’inconnu. Son œil ne va pas au delà ; mais le phénomène résulte de l’inconnu ;