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TAS DE PIERRES. — III.

On me dit : « Pourquoi le romantisme ne réagit-il pas contre le réalisme ? »

Le chêne ne se fâche pas contre le gui.

[1868-1872.]

On n’est jamais trop concis. La concision est de la moëlle. Il y a dans Tacite de l’obscurité sacrée.

Tacite dit à chaque ligne : tant mieux pour les intelligents ! tant pis pour les imbéciles !

Concision dans le style, précision dans la pensée, décision dans la vie.

[1863-1865.]

L’idéal supprime la fiction.

[1860-1865.]

Accepter dans l’occasion le mot cru, toujours vouloir et toujours choisir le mot propre. Éviter ces deux écueils : le mot impropre, le mot malpropre.

[1864-1866.]

Ruisselant de pierreries, cette métaphore que j’ai mise dans les Orientales a été immédiatement adoptée. Aujourd’hui elle fait partie du style courant et banal, à tel point que je suis tenté de l’effacer des Orientales. Je me rappelle l’effet qu’elle fit sur les peintres. Boulanger, à qui je lus Lazzara, en fit sur-le-champ un tableau.

Cette vulgarisation immédiate est propre à toutes les métaphores énergiques. Toutes les images vraies et vives deviennent populaires et entrent dans la circulation universelle. Ainsi : courir ventre à terre, être enflammé de colère, rire à ventre déboutonné, tirer à boulet rouge (médire), être à couteaux tirés, pendre ses jambes à son cou, etc. ; autant d’admirables métaphores autrefois ; autant de lieux communs aujourd’hui.

[1867-1869.]

Je n’ai lu qu’aujourd’hui le travail de Lamartine[1] sur les Misérables. Cela pourrait s’appeler : Essai de morsure par un cygne.

16 avril 1863.

  1. Voir Les Misérables, tome IV. Revue de la Critique, Édition de l’Imprimerie nationale. (Note de l’Éditeur.)