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FANTAISIE.


Février 1819.

Ce que je veux, c’est ce que tout le monde veut, ce que tout le monde demande, c’est-à-dire du pouvoir pour le roi et des garanties pour le peuple.

Et, en cela, je suis bien différent de certains honnêtes gens de ma connaissance, qui professent hautement la même maxime, et qui, lorsqu’on en vient aux applications, se trouvent n’en vouloir réellement, les uns qu’une moitié, les autres qu’une autre, c’est-à-dire les uns qu’un peu de despotisme, et les autres que beaucoup de licence, à peu près comme feu mon grand-oncle, qui avait sans cesse à la bouche le fameux précepte de l’école de Salerne : manger peu, mais souvent ; mais qui n’en admettait que la première partie pour l’usage de la maison.



Février 1819.

L’autre jour je trouvai dans Cicéron ce passage : « Et il faut que l’orateur, en toutes circonstances, sache prouver le pour et le contre. » In onmi causa duos contrarias orationes explicari ; et, dis-je, c’est justement ce qu’il faut dans un siècle où l’on a découvert deux sortes de conscience, celle du cœur et celle de l’estomac.

Voilà pour la conscience de l’orateur selon Cicéron, vir probus dicendi peritus. Pour ce qui est de ses mœurs, — ce que j’en écris ici n’est que pour l’instruction de la jeunesse de nos collèges, — on connaît la simplicité des mœurs antiques. Nous n’avons aucune raison de croire que les orateurs fissent autrement que les guerriers. Après qu’Achille et Patrocle ont tant pleuré Briséis, Achille, dit madame Dacier, conduit vers sa tente la belle Diomède, fille du sage Phorbas, et Patrocle s’abandonne au doux sommeil entre les bras de la jeune Iphis, amenée captive de Scyros. C’est comme Pétrarque, qui, après avoir perdu Laure, mourut de douleur à soixante-dix ans, en laissant un fils et une fille.

Et à Athènes, où les pères envoyaient leurs fils à l’école chez Aspasie, à Athènes, cette ville de la politesse et de l’éloquence : — Qu’as-tu fait des