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à quel parti tels ou tels noms appartiennent, pour pouvoir suivre le fil de l’action. Ce n’est point ainsi qu’en usait Polybe, et après lui Tacite, les deux premiers peintres de batailles de l’antiquité. Ces grands historiens commencent par nous donner une idée exacte de la position des deux armées par quelque image sensible tirée de l’ordre physique ; l’armée était rangée en demi-cercle, elle avait la forme d’un aigle aux ailes étendues ; ensuite viennent les détails. Les espagnols formaient la première ligne, les africains la seconde, les numides étaient jetés aux deux ailes, les éléphants marchaient en tête, etc. Mais, nous vous le demandons à vous-même, si nous lisions dans Tacite : « Vibulenus exécute une charge contre Rusticus, Lentulus est renversé de cheval, Civilis passe le ruisseau », il serait très possible que ce petit bulletin eût paru très clair et très intéressant aux contemporains ; mais nous doutons fort qu’il eût trouvé le même degré de faveur auprès de la postérité. Et c’est une erreur dans laquelle sont tombés la plupart des historiens modernes ; l’habitude de lire des chroniques leur rend familiers les personnages inférieurs de l’histoire, qui ne doivent point y paraître ; le désir de tout dire, lorsqu’ils ne devraient dire que ce qui est intéressant, les leur fait employer comme acteurs dans les occasions les plus importantes. De là vient qu’ils nous donnent des descriptions qu’ils comprennent fort bien, eux et les érudits, parce qu’ils connaissent les masques, mais dans lesquelles la plupart des lecteurs, qui ne sont pas obligés d’avoir lu les chroniques pour pouvoir lire l’histoire, ne voient guère autre chose que des noms et de l’ennui. En général, il ne faut dire à la postérité que ce qui peut l’intéresser. Et pour intéresser la postérité, il ne suffit pas d’avoir bien exécuté une charge ou d’avoir été renversé de cheval, il faut avoir combattu de la main et des dents comme Cynégire, être mort comme d’Assas, ou avoir embrassé les piques comme Vinkelried.




EXTRAIT DU COURRIER FRANÇAIS
du jeudi 14 septembre 1792 (iv de la liberté).
n° 257.


« La municipalité d’Herespian, département de l’Hérault, a signifié à M. François, son pasteur, qu’elle entendait à l’avenir avoir un curé qui ne fût pas célibataire. Le curé François a répondu d’une manière qui a surpassé les espérances de ses paroissiens. Il entend, lui, avoir cinq enfants ; le premier s’appellera J.-J. Rousseau ; le second, Mirabeau ; le troisième, Pétion ; le