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égorgé leurs voisins par une piété bien entendue, et que les croisés massacraient les hébreux par une piété mal entendue.

Voilà un échantillon de haine ; voici un échantillon de mépris.

En 1262, une mémorable conférence eut lieu devant le roi et la reine d’Aragon, entre le savant rabbin Zéchiel et le frère Paul Ciriaque, dominicain très érudit. Quand le docteur juif eut cité le Toldos Jeschut, le Targum, les archives du Sanhédrin, le Nissachon Vetus, le Talmud, etc., la reine finit la dispute en lui demandant pourquoi les juifs puaient. Il est vrai que cette haine et ce mépris s’affaiblirent avec le temps. En 1687, on imprima les controverses de l’israélite Orobio et de l’arménien Philippe Limborch, dans lesquelles le rabbin présente des objections au très illustre et très savant chrétien, et où le chrétien réfute les assertions du très savant et très illustre juif. On vit dans le même dix-septième siècle le professeur Rittangel, de Kœnigsberg, et Antoine, ministre chrétien à Genève, embrasser la loi mosaïque ; ce qui prouve que la prévention contre les juifs n’était plus aussi forte à cette époque.




Aujourd’hui, il y a fort peu de juifs qui soient juifs, fort peu de chrétiens qui soient chrétiens. On ne méprise plus, on ne hait plus, parce qu’on ne croit plus. Immense malheur ! Jérusalem et Salomon, choses mortes, Rome et Grégoire VII, choses mortes. Il y a Paris et Voltaire. L’homme masqué, qui se fit si longtemps passer pour dieu dans la province de Khorassan, avait d’abord été greffier de la chancellerie d’Abou Moslem, gouverneur de Khorassan, sous le khalife Almanzor. D’après l’auteur du Lobbtarikh, il se nommait Hakem Ben Haschem. Sous le règne du khalife Mahadi, troisième abasside, vers l’an 160 de l’hégire, il se fit soldat, puis devint capitaine et chef de secte. La cicatrice d’un fer de flèche ayant rendu son visage hideux, il prit un voile et fut surnomme Burcâi, — voilé —. Ses adorateurs étaient que ce voile ne servait qu’à leur cacher la splendeur foudroyante de son visage. Khondemir, qui s’accorde avec Ben Schahnah pour le nommer Hakem Ben Atha, lui donne le titre de Mokannâ, masqué en arabe, et prétend qu’il portait un masque d’or. Observons, en passant, qu’un poëte irlandais contemporain a changé le masque d’or en un voile d’argent. Abou Giafar al Thabari donne un exposé de sa doctrine. Cependant, la rébellion de cet imposteur devenant de plus en plus inquiétante, Mahadi envoya à sa rencontre l’émir Abusâid qui défit le Prophète-Voilé, le chassa de Mérou et le força à se renfermer dans Nekhscheb, où il était né et où il devait mourir. L’imposteur, assiégé, ranima le courage de