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JOURNAL DES IDÉES


DES OPINIONS ET DES LECTURES


D’UN JEUNE JACOBITE DE 1819.



HISTOIRE.


Chez les anciens, l’occupation d’écrire l’histoire était le délassement des grands hommes historiques ; c’était Xénophon, chef des Dix Mille ; c’était Tacite, prince du Sénat. Chez les modernes, comme les grands hommes historiques ne savaient pas lire, il fallut que l’histoire se laissât écrire par des lettrés et des savants, gens qui n’étaient savants et lettrés que parce qu’ils étaient restés toute leur vie étrangers aux intérêts de ce bas monde, c’est-à-dire, à l’histoire.

De là, dans l’histoire, telle que les modernes l’ont écrite, quelque chose de petit et de peu intelligent.

Il est à remarquer que les premiers historiens anciens écrivirent d’après des traditions, et les premiers historiens modernes d’après des chroniques.

Les anciens, écrivant d’après des traditions, suivirent cette grande idée morale qu’il ne suffisait pas qu’un homme eût vécu ou même qu’un siècle eût existé pour qu’il fût de l’histoire, mais qu’il fallait encore qu’il eût légué de grands exemples à la mémoire des hommes. Voilà pourquoi l’histoire ancienne ne languit jamais. Elle est ce qu’elle doit être, le tableau raisonné des grands hommes et des grandes choses, et non pas, comme on l’a voulu faire de notre temps, le registre de vie de quelques hommes, ou le procès-verbal de quelques siècles.

Les historiens modernes, écrivant d’après des chroniques, ne virent dans les livres que ce qui y était : des faits contradictoires à rétablir et des dates à concilier. Ils écrivirent en savants, s’occupant beaucoup des faits et rarement des