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est du temps de Han d’Islande, le Journal d’un révolutionnaire de 1830 est du temps de Notre-Dame de Paris. En consultant les dates qu’on a eu soin de placer en tête de tous ces fragments, ceux des lecteurs qui se plaisent à ces sortes de comparaisons, même lorsqu’il s’agit d’ouvrages aussi peu importants que celui-ci, pourront voir aisément à quelle œuvre de l’auteur, à quel moment de sa manière, à quelle phase de sa pensée sur la société et sur l’art se rattache chacune des divisions de ce livre. Ces deux volumes côtoient tous les autres en les reflétant. On y retrouve, de 1819 à 1834, sur une échelle plus rapide, mais qui n’a pas moins d’échelons, tous les changements successifs de style et de pensée, toutes les modifications d’opinion et de forme, tous les élargissements d’horizon politique et littéraire que les personnes qui veulent bien suivre le développement de son esprit ont pu remarquer en gravissant la série totale de ses œuvres.

Ces changements, ces modifications, ces élargissements, est-ce décadence, comme on l’a dit ? est-ce progrès, comme il le croit ? il pose la question ; le lecteur la décidera.

Ce qui n’est une question pour personne, il l’espère du moins, c’est le complet désintéressement qui a présidé aux diverses modifications de ses opinions. Les guèbres ne s’agenouillaient que devant le soleil ; lui, il ne s’agenouille que devant la vérité.

Il livre ce recueil au public en toute franchise et en toute confiance. Dans des temps comme les nôtres, où les événements font si rapidement changer d’aspect aux doctrines et aux hommes, il a pensé que ce ne serait peut-être pas un spectacle sans enseignement que le développement d’un esprit sérieux et droit qui n’a encore été directement mêlé à aucune chose politique et qui a silencieusement accompli toutes ses révolutions sur lui-même, sans autre but que la satisfaction de sa conscience. Ceci est donc avant tout une œuvre de probité. Le premier de ces deux volumes ne contient que deux divisions ; l’une a pour titre : Journal des idées, des opinions et des lectures d’un jeune jacobite de 1819 ; l’autre : Journal des idées et des opinions d’un révolutionnaire de 1830. Comment et par quelle série d’expériences successives le jacobite de 1819 est-il devenu le révolutionnaire de 1830, c’est ce que l’auteur écrira peut-être un jour ; et cette toute modeste Histoire des révolutions intérieures d’une opinion politique honnête ne sera peut-être pas un appendice inutile à la grande histoire des révolutions générales de notre temps. Pourquoi, en effet, ne pas confronter plus souvent qu’on ne le fait les révolutions de l’individu avec les révolutions de la société ? Qui sait ? la petite chose éclaire quelquefois la grande. En attendant qu’il essaye ce travail tout à la fois psychologique et historique, individuel et universel, il croit devoir publier comme document, et absolument tels qu’ils ont été écrits chacun dans leur temps, ces deux