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X. Ma visite aux barricades

Mon cocher me déposa à la pointe Saint-Eustache et me dit : – Vous voilà dans le guêpier.

Il ajouta : – Je vous attendrai rue de la Vrillière, près de la place des Victoires. Prenez votre temps.

Je me mis à marcher de barricade en barricade.

Dans la première je rencontrai de Flotte qui s’offrit à me servir de guide. Pas d’homme plus déterminé que de Flotte. J’acceptai, il me mena partout où ma présence pouvait être utile.

Chemin faisant, il me rendit compte des mesures prises par lui pour imprimer nos proclamations ; l’imprimerie Boulé faisant défaut, il s’était adressé à une presse lithographique, rue Bergère, n° 30, et, au péril de leur vie, deux hommes vaillants avaient imprimé cinq cents exemplaires de nos décrets. Ces deux braves ouvriers se nommaient, l’un Rubens, l’autre Achille Poincelot.

Tout en marchant, j’écrivais des notes au crayon (avec le crayon de Baudin que j’avais sur moi) ; j’enregistrais les faits pêle-mêle ; je reproduis ici cette page. Ces choses vivantes sont utiles pour l’histoire. Le coup d’État est là, comme sanglant.

« – Matinée du 4. On dirait le combat suspendu. Va-t-il reprendre ? Barricades visitées par moi : Une à la pointe Saint-Eustache. Une à la Halle aux huîtres. Une rue Mauconseil. Une rue Tiquetonne. Une rue Mandar (Rocher de Cancale). Une barrant la rue du Cadran et la rue Montorgueil. Quatre fermant le Petit-Carreau. Commencement d’une entre la rue des Deux-Portes et la rue Saint-Sauveur. Une au bout de la rue Saint-Sauveur, barrant la rue Saint-Denis. Une, la plus grande, barrant la rue Saint-Denis à la hauteur de la rue Guérin-Boisseau. Une barrant la rue Grenéta. Une plus avant dans la rue Grenéta barrant la rue Bourg-l’Abbé (au centre une voiture de farine renversée ; bonne barricade). Rue Saint-Denis, une barrant la rue du Petit-Lion-Saint-Sauveur. Une barrant la rue du Grand-Hurleur, avec les quatre coins barricadés. Cette barricade a déjà été attaquée ce matin. Un combattant, Massonnet, fabricant de peignes, rue Saint-Denis, 154, a reçu une balle dans son paletot ; Dupapet, dit l’homme à la longue barbe, est resté le dernier sur la crête de la barricade. On