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II.

Le 31 août 1870, une armée se trouva réunie et comme massée sous les murs de Sedan, dans un lieu nommé le fond de Givonne. Cette armée était une armée française : vingt-neuf brigades, quinze divisions, quatre corps d’armée, quatre-vingt-dix mille hommes. Cette armée était dans ce lieu sans qu’on pût deviner pourquoi, sans ordre, sans but, pêle-mêle, espèce de tas d’hommes jeté là comme pour être saisi par une main immense.

Cette armée n’avait, ou semblait n’avoir, pour le moment, aucune inquiétude immédiate. On savait, ou l’on croyait savoir, l’ennemi assez loin. En calculant les étapes à quatre lieues par jour, il était à trois jours de marche. Pourtant, vers le soir, les chefs prirent quelques sages dispositions stratégiques ; l’armée étant appuyée en arrière sur Sedan et sur la Meuse, on la protégea par deux fronts de bataille, l’un composé du 7e corps et allant de Floing à Givonne, l’autre composé du 12e corps et allant de Givonne à Bazeilles, triangle dont la Meuse faisait l’hypoténuse. Le 12e corps, formé des trois divisions Lacretelle, Lartigue et Wolff, rangées en ligne droite, l’artillerie entre les brigades, était un véritable barrage ayant à ses extrémités Bazeilles et Givonne, et à son centre Daigny ; les deux divisions Petit et Lhéritier, massées en arrière sur deux lignes, contre-butaient ce barrage. Le général Lebrun commandait le 12e corps. Le 7e corps, commandé par le général Douay, n’avait que deux divisions ; la division Dumont et la division Gisbert, et formait l’autre front de bataille couvrant l’armée de Givonne à Floing, du côté d’Illy ; ce front était relativement faible, trop ouvert du côté de Givonne, et protégé seulement du côté de la Meuse par les deux divisions de cavalerie Margueritte et Bonnemains et par la brigade Guyomar, appuyée en équerre sur Floing. Dans ce triangle campaient le 5e corps, commandé par le général Wimpffen, et le 1er corps, commandé par le général Ducrot. La division de cavalerie Michel couvrait le 1er corps du côté de Daigny ; le 5e corps s’adossait à Sedan. Quatre divisions, disposées chacune sur deux lignes, les divisions Lhéritier, Grandchamp, Goze et Conseil-Duménil, formaient une sorte de fer à cheval, tourné vers Sedan et reliant le premier front de bataille au second. La division de cavalerie Ameil et la brigade Fontanges servaient de réserve à ces quatre divisions. Toute l’artillerie était sur les deux fronts de bataille. Deux morceaux de l’armée étaient en l’air, l’un à droite de Sedan, au delà de Balan, l’autre à gauche de Sedan, en deçà