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ceux qui sont en bas sont stupides. C’est bon, mes amis, laissez-moi dormir.

Il s’endormit en effet.

La même aventure à peu près était arrivée presque au même instant aux généraux Changarnier et Lamoricière et à M. Baze.

Les agents ne quittèrent le général Changarnier qu’à Mons. Là ils le firent descendre du convoi, et lui dirent :

— Général, c’est ici votre lieu de séjour. Nous vous laissons libre.

— Ah ! dit-il, c’est mon lieu de séjour, et je suis libre. Eh bien, bonsoir.

Et il remonta lestement dans le wagon au moment où le train repartait, laissant là les deux argousins ébahis.

La police lâcha Charras à Bruxelles, mais ne lâcha pas le général Lamoricière. Les deux agents voulaient le forcer de repartir immédiatement pour Cologne. Le général, qui souffrait d’un rhumatisme gagné à Ham, leur déclara qu’il coucherait à Bruxelles.

— Soit ! dirent les agents.

Ils le suivirent à l’hôtel de Bellevue. Ils y passèrent la nuit avec lui. On eut beaucoup de peine à les empêcher de coucher dans sa chambre.

Le lendemain ils l’emmenèrent et le conduisirent à Cologne, violant le territoire de Prusse après avoir violé le territoire de Belgique.

Le coup d’État fut plus impudent encore envers M. Baze.

On fit voyager M. Baze avec sa femme et ses enfants sous le nom de Lassalle. Il passait pour le domestique de l’agent de police qui le conduisait.

On le mena ainsi à Aix-la-Chapelle.

Là, au beau milieu de la nuit, au beau milieu de la rue, les agents le déposèrent sans passeport, sans papiers, sans argent, lui et toute la famille. M. Baze, indigné, fut obligé d’en venir à la menace pour obtenir qu’ils le conduisissent et qu’ils le nommassent à un magistrat quelconque. Il entrait probablement dans les petites joies de Bonaparte de faire traiter un questeur de l’Assemblée comme un vagabond.

Dans la nuit du 7 janvier, le général Bedeau, quoiqu’il ne dût partir que le lendemain, fut réveillé comme les autres par le bruit de ses verrous. Il ne comprit pas qu’on l’enfermait, et crut au contraire qu’on élargissait M. Baze, son voisin de cellule. Il cria à travers la porte :

— Ah bravo, Baze !

Tous les jours en effet les généraux disaient au questeur : Vous n’avez que faire ici. C’est une forteresse militaire, on vous mettra dehors un de ces beaux matins, comme Roger (du Nord).

Cependant le général Bedeau entendait dans la forteresse un bruit inusité. Il se leva et – « frappa » – le général Le Flô, son autre voisin de cellule, avec