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L’exil, le bannissement, la déportation, la ruine, la nostalgie, la mort, le désespoir de quarante mille familles.

C’est là ce que l’histoire appelle « les commissions mixtes ».

D’ordinaire les grands crimes d’État frappent les grandes têtes, et se contentent de cet écrasement ; ils roulent comme des blocs, tout d’une pièce, et broient les hautes résistances ; les victimes illustres leur suffisent. Mais le Deux-Décembre eut des raffinements ; il lui fallut en outre les victimes petites. Son appétit d’extermination alla jusqu’aux pauvres et jusqu’aux obscurs ; il eut de la colère et de l’animosité jusqu’en bas ; il fit des fêlures au sous-sol social pour y infiltrer la proscription ; les triumvirats locaux, dits « mixtions mixtes », lui servirent à cela. Pas une tête, même humble et chétive, n’échappa. On trouva moyen d’appauvrir les indigents, de ruiner les meurt-de-faim, de dépouiller les déshérités ; le coup d’État fit ce prodige d’ajouter du malheur à la misère. On eût dit que Bonaparte prenait la peine de haïr un paysan ; le vigneron fut arraché de sa vigne, le laboureur de son sillon, le maçon de son échafaudage, le tisserand de son métier. Des hommes acceptèrent cette mission de faire tomber en détail sur les plus imperceptibles existences l’immense calamité publique. Hideuse besogne ! émietter sur les petits et sur les faibles une catastrophe.