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En même temps que cette affiche parut la protestation de M. Daru, ainsi conçue :

« J’adhère aux actes faits par l’Assemblée nationale à la mairie du Xe arrondissement le 2 décembre 1851, et auxquels j’ai été empêché, par la violence, de participer.

»DARU »

Quelques-uns de ces membres de la commission consultative sortaient de Mazas ou du Mont Valérien. Ils avaient été en cellule vingt-quatre heures, puis relâchés.

On voit que ces législateurs gardèrent peu rancune à l’homme qui leur avait fait subir cette désagréable dégustation de la loi.

Plusieurs des personnages insérés dans cette collection n’avaient d’autre renommée que le bruit que faisaient leurs dettes, criant autour d’eux. Tel avait fait deux fois banqueroute ; mais on ajoutait cette circonstance atténuante : pas sous son nom. Tel autre, qui était d’une compagnie lettrée ou savante, passait pour vendre sa voix. Tel autre, joli, élégant, à la mode, brossé, verni, doré, brodé, entretenu par une femme, vivait dans une espèce de saleté d’âme.

Ces gens-là adhéraient sans trop d’hésitation à l’acte qui sauvait la société.

Quelques autres, parmi ceux qui composent cette mosaïque, n’avaient aucune passion politique et ne consentirent à figurer sur cette liste qu’afin de garder leurs places et leurs traitements ; ils furent sous l’empire ce qu’ils étaient avant l’empire, des neutres ; et ils continuèrent, pendant les dix-neuf années du règne, à exercer leurs fonctions militaires, judiciaires ou administratives, innocemment, entourés de la juste considération due aux imbéciles inoffensifs.

D’autres étaient réellement des hommes politiques, de la docte école qui commence à Guizot et ne finit pas à Parieu, graves médecins de l’ordre social qui rassurent le bourgeois effaré et qui conservent les choses mortes :

— Perdrai-je l’œil ? lui dit messer Pancrace.

— Non, mon ami, je le tiens dans ma main.

Il y avait, dans ce quasi-conseil d’État, bon nombre d’hommes de police, genre alors estimé – Carlier, Piétri, Maupas, etc.

Peu après le 2 décembre, sous le nom de commissions mixtes, la police se substitua à la justice, rendit des arrêts, prononça des condamnations, viola judiciairement toutes les lois, sans que le magistrature régulière fît le moindre obstacle à cette magistrature incorrecte ; la justice laissa faire la police, avec le regard satisfait d’un attelage relayé.