Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome I.djvu/392

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans toute la rue. L’un de nous entra et pria l’épicier, qui était assis dans son comptoir, de nous indiquer la maison de M. Cournet. – En face, dit l’épicier en montrant du doigt une vieille porte cochère basse qu’on distinguait de l’autre côté de la rue, presque vis-à-vis sa boutique.

Nous frappâmes à cette porte. Elle s’ouvrit. Baudin entra le premier, cogna à la vitre de la loge du portier et demanda : – M. Cournet ? – Une voix de vieille femme répondit : C’est ici.

La portière était couchée. Tout dormait dans la maison. Nous entrâmes.

Une fois entrés, et la porte cochère refermée derrière nous, nous nous trouvâmes dans une petite cour carrée, formant le centre d’une espèce de masure à deux étages ; un silence de cloître, pas une lumière aux fenêtres ; on distinguait près d’un hangar l’entrée basse d’un escalier étroit, obscur et tortueux. – Nous nous sommes trompés, dit Charamaule, il est impossible que ce soit ici.

Cependant la portière, entendant tous ces pas d’hommes sous la porte cochère, s’était éveillée tout à fait, avait allumé sa veilleuse, et nous l’apercevions dans sa loge, le visage collé à la vitre, regardant avec effarement ces soixante fantômes noirs, immobiles et debout dans sa cour.

Esquiros lui adressa la parole : — Est-ce bien sûr ici M. Cournet ? dit-il

— M. Cornet ? répondit la bonne femme, sans doute.

Tout s’expliqua. Nous avions demandé Cournet, l’épicier avait entendu Cornet, la portière avait entendu Cornet. Le hasard faisait qu’un M. Cornet demeurait précisément là.

On verra plus tard quel extraordinaire service le hasard nous avait rendu.

Nous sortîmes au grand soulagement de la pauvre portière, et nous nous remîmes en quête. Xavier Durieu parvint à s’orienter et nous tira d’embarras.

Quelques instants après nous tournions à gauche et nous pénétrions dans un cul-de-sac assez long, faiblement éclairé par un vieux réverbère à l’huile de l’ancien éclairage de Paris, puis à gauche encore, et nous entrions par un passage étroit dans une grande cour encombrée d’appentis et de matériaux. Cette fois nous étions chez Cournet.