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Cette dernière guerre, il faut s’y préparer avec calme et recueillement. Ce sera la guerre sainte. Elle ne finira que le jour où le parlement d’Europe s’ouvrira.

Le jour venu de cette lutte sacrée, la France se lèvera. La France tirera son épée et jettera le fourreau. Elle écrira sur son drapeau : Fraternité des peuples. Elle marchera, tendant la main aux nations et présentant le glaive aux tyrannies.

Quant à l’armée, comment la République victorieuse lui fera expier le crime du 2 décembre, comment la République se vengera d’elle, on peut le lui dire dès à présent. Non, la République, aujourd’hui proscrite, demain triomphante, ne dressera pas d’échafauds ; non, elle ne versera pas de sang en place publique ; non, elle ne fera pas tomber de têtes. Le moment de l’expiation venu, les hommes en qui s’incarne à cette heure l’idée républicaine diront à l’armée : Soldats, vous avez trahi la République, vous avez vendu la liberté, vous êtes éclaboussés de la tête aux pieds du sang de la patrie et de la fange de Louis Bonaparte, soldats ! vous vous êtes couverts de honte, allez vous couvrir de gloire ! Ah ! vous avez asservi la France ! ah ! vous avez été les geôliers de la liberté ! eh bien, soyez ses soldats ! soyez ses vengeurs ! eh bien, délivrez l’Europe ! partout où il y a un peuple qui souffre, une nationalité qu’on opprime, une cité qu’on étouffe, un droit de l’homme qu’on viole, partout où il y a une nation à terre, gisante, garrotée, appelant la France, au nord, au midi, au levant, au couchant, en Lombardie, à Venise, à Rome, à Naples, à Palerme, aux bords du Rhin, en Hongrie, en Pologne, partout, allez, partez, courez, roulez vos canons, levez votre drapeau, versez votre sang, laissez vos os ! prodiguez-vous ! sacrifiez-vous ! rachetez cet immense crime par un immense dévouement ! Faites-vous tuer ! Faites votre possible pour ne pas revenir ! Que les trois quarts d’entre vous restent sur les champs de bataille, nous ferons passer le dernier quart sous un arc de triomphe ! Redevenez des héros ! soldats ! vous avez dans un jour misérable mis aux fers le plus grand de tous les peuples, le peuple chef de l’humanité ! il faut effacer de vos fronts cette souillure, faites-vous pardonner ! À l’heure qu’il est, l’Europe est couverte de chaînes, allez ! et ne reparaissez devant la France qu’avec toutes ces chaînes brisées dans vos mains !