Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome I.djvu/218

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la vigueur de son acte d’accusation, indiquant brièvement les idées dont il a été le défenseur convaincu, l’apôtre obstiné, et affirmant sa foi dans un avenir de paix et de fraternité.



PRÉFACES.


Il est des temps dont il faut prendre l’empreinte ; il y a dans la vie des nations des minutes horribles qu’il importe de saisir au moment où elles passent et de fixer dans leurs plus microscopiques détails. Ceci est la fonction sévère des écrivains contemporains, fonction qu’ils doivent remplir, en dehors même de toute lutte et de toute politique, dans le seul intérêt de la justice et de la vertu, dans le seul but d’éclairer à jamais, par ces exemples monstrueux, la conscience des hommes. Il est bon que le genre humain sache jusqu’où peut aller, à de certains Jours, la honte humaine. Quelques-uns de ces spécimens de crime et de deuil, pris sur le vif, aux époques les plus diverses, ont été conservées par les sombres poêtes de la Bible, par Tacite, par Pétrone, par Juvénal, par Dante. Ces incorruptibles témoins de l’histoire, ces magistrats de l’intelligence, en frappant de leur verge les tyrans contemporains et en les exposant nus et hideux aux yeux des peuples, accomplissaient un double devoir et rendaient un double service : ils châtiaient le présent et avertissaient l’avenir.

Nous venons de dire quel est, à notre sens, le devoir de l’écrivain. Il doit faire de toutes les époques mauvaises auxquelles il assiste des époques exemplaires. Ce devoir, quand par hasard il se complique d’une fonction publique, devient plus étroit encore. Ainsi, s’il se trouve qu’un écrivain, dans nos grandes transformations sociales et révolutionnaires, a reçu de la confiance de ses concitoyens le haut mandat du représentant, il doit, selon nous, considérer ce mandat comme une obligation de plus, et, en quelque sorte, comme un ordre de combat perpétuel. Tant que durent l’usurpation et la tyrannie, il doit être là et leur faire front. Il doit continuer dans ses écrits la tribune renversée ; il doit se sentir accru et double dans la lutte par tous les citoyens qui sont en lui et qu’il représente. Ecrivain et représentant, il doit, dans ses livres, quels qu’ils soient, mêler au cri de sa conscience le cri du peuple.

On comprend, d’après ce qui précède, que le livre qu’on a devant les yeux a été écrit sous les plus impérieuses inspirations du devoir.



En écrivant ce livre, je me dégage de toute amertume personnelle. L'historien n’est pas un homme privé. J’écarte de mon souvenir mes deux fils emprisonnes à la requête de M. Bonaparte par les tribunaux à ses ordres, l’un six mois, pour avoir outragé la guillotine (ce genre de délit était inventé avant le délit actuel d’outrage à M. Bonaparte), l’autre cinq mois, pour avoir détendu les réfugiés politiques ; j’écarte ma propre proscription. Je n’ai devant les yeux que le grief public.,