Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome I.djvu/217

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

RELIQUAT
DE
NAPOLÉON-LE-PETIT.


Napoléon-le-Petit tire son origine de l’Histoire d’un Crime. Des motifs que nous exposons plus loin nécessitaient l’ajournement de cette dernière publication. Victor Hugo voulait répondre au coup d’État par un acte. Il écrivit sans tarder Napoléon-le-Petit ; il avait déjà recueilli, à cette époque, presque tous les documents et toutes les dépositions sur le deux décembre ; il pouvait se livrer à une véritable improvisation.

Il semble donc que les notes et les fragments dussent être assez rares ; mais il était si profondément pénétré de son sujet qu’il s’abandonnait tout entier à son inspiration, les pages succédaient aux pages ; certains développements lui parurent ralentir l’allure de son œuvre et il indiqua, en tête de son manuscrit, deux suppressions importantes : la fin du chapitre sur la tribune et tout un développement sur la paix universelle. Il sacrifia aussi, bien qu’il l’ait mentionné comme fin possible d’un chapitre, un important fragment : Spoliation des d’Orléans.

En écrivant son livre, Victor Hugo avait une préoccupation constante, il songeait à envisager les conséquences prochaines ou lointaines du coup d’État, à en tirer un enseignement, à traiter la question politique et sociale, en étudiant le mécanisme du suffrage universel, en analysant l’âme du paysan et l’âme de l’ouvrier des villes ; d’après un plan reproduit dans l’historique et contenant cette indication : « Un mot sur le suffrage universel et les paysans », on voit que cette étude devait prendre place dans le volume.

En même temps, Victor Hugo jetait un large coup d’œil sur le lendemain, évoquant la France divisée alors en deux nations : la nation officielle, difforme, vermoulue, domestiquée, et la nation vraie, la nation jeune, initiatrice, missionnaire émancipée ; il montrait la monarchie, forme politique des âges antérieurs, cédant sous l’effort des dynasties rivales, le suffrage universel brisant ses liens et enseignant la République, et, à une époque plus ou moins éloignée, le progrès rayonnant dans la paix universelle et s’affirmant par la libération des peuples opprimés et la fédération des peuples libres.

Tous ces fragments d’une belle et entraînante éloquence ont ici leur place. Si Victor Hugo ne les a pas utilisés, c’est qu’il a craint, en évoquant la vision de la société future, d’altérer le caractère, le ton et l’allure du livre. Il avait voulu faire le procès de Bonaparte, de l’Homme ; l’attaque était directe et personnelle ; il risquait, en traitant les questions politiques et sociales, d’être plutôt historien et philosophe que juge. Il a donc écarté toutes les digressions qui affaiblissaient