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teaux, d’environ neuf pieds de long, très délabrée, garnie de deux clous à un bout et d’un tourniquet avec une corde à l’autre bout. Le tout est percé de trous.


C’était le chevalet d’extension. On y couchait l’accusé la tête retenue par les deux grands clous, le corps lié de cordes et les pieds noués ensemble par une plus grosse s’enroulant au tourniquet. On faisait effort sur le tourniquet, et à chaque tour les membres du patient criaient. On allongeait le misérable jusqu’à ce qu’il avouât.

À côté sont d’autres engins du supplice, deux pierres enchaînées qu’on nommait les pierres de la Loi. Ces pierres pèsent ensemble plus de cent livres.

Dans le même coin il y a une ceinture de fer avec vis et écrou, plus deux chapeaux de fer qui ressemblent à deux boucliers. Tout cela était destiné à la femme adultère amnistiée par Jésus. On lui mettait la ceinture au ventre, les pierres au cou et le chapeau sur la tête. Ainsi accablée sous deux cents livres de fer, on la faisait marcher nue dans la ville à grands coups de fouet. On infligeait le même supplice aux huguenotes. L’hérésie au mari était punie des mêmes peines que l’hérésie à Dieu. Tous ces engins sont aujourd’hui rongés de rouille. Toutes ces lois et tous ces préjugés aussi.

En sortant de l’hôtel de ville, le bourgmestre nous a conduits chez lui où nous avons été reçus par sa vieille mère très vénérable. On a versé du vin du Rhin. Beaucoup de notables étaient là. J’ai bu à la santé de la vieille dame et à la prospérité de la vieille ville. Puis nous sommes partis. En traversant les rues de la ville et le port, j’ai remarqué que les maisons et les navires étaient pavoisés. M. Van Maenem s’est penché et m’a dit : — Savez-vous pourquoi la ville et le port sont pavoisés ? — J’ai répondu : — Sans doute, comme à Guernesey, pour quelque fête locale. — Pour vous, m’a répondu M. Van Maenem.