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lait ; puis ce sont des rumeurs qui ressemblent à une multitude de voix humaines ; on croirait entendre une foule parler.

Une frange d’argent, mince et éclatante, serpente à perte de vue au bas de la côte. — Derrière moi, un grand rocher debout figure un aigle immense qui se baisse vers son nid, ses deux griffes posées sur la montagne. Sombre et superbe sculpture de l’océan.


6 heures.

Me voici à la pointe même d’une haute montagne, sur le sommet le plus élevé que j’aie atteint dans la journée. Là encore il m’a fallu escalader avec les mains et les genoux.

Je découvre un immense horizon. Toutes les montagnes jusqu’à Roncevaux. Toute la mer de Bilbao à gauche, toute la mer de Bayonne à droite. J’écris ceci accoudé sur un bloc en forme de crête de coq qui fait l’arête extrême de la montagne. Sur ce rocher, on a gravé profondément avec le pic trois lettres à gauche :

L. R. H.


et deux lettres à droite :

V. H.

Autour de ce rocher, il y a un petit plateau triangulaire couvert de landes desséchées et entouré d’une espèce de fossé fort âpre. J’aperçois pourtant dans une crevasse une jolie petite bruyère rose en fleur. Je la cueille.


7 heures.

Autre castillo beaucoup plus grand que celui d’hier. Mille insectes m’importunent. Je suis dans l’enceinte, après avoir escaladé le fossé. Grand carré de murailles de pierre surmontées d’une muraille de terre, encore debout çà et là, et que l’herbe recouvre. Quatre pâtres basques, en béret et en veste rouge, dorment à l’ombre dans le fossé. Un gros chien blanc dort sur le haut du mur.

Restes de chambres. Dans l’une d’elles, arrachements d’une cheminée encore visibles. Au milieu de la grande enceinte, une plus petite, dont un angle est brûlé et noir de fumée. Derrière cette petite enceinte, une terrasse où conduit un escalier de quatre marches.

Un des pâtres s’est réveillé et s’est approché de moi. Je lui ai dit d’un air grave : Jaincoa berorrecrequin[1]. Il s’éloigne étonné. — Il a été réveiller les

  1. Dieu avec vous.