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la cathédrale de sens.


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24 octobre.

On pourrait dire que tout est par paire dans la cathédrale de Sens ; toute chose belle ou curieuse y a son pendant. Il y a la tour de pierre et la tour de plomb ; la chapelle romane et l’église gothique ; à l’extrémité septentrionale du transept, la grande rose de Jean Cousin, qui représente le ciel ; à l’extrémité méridionale, la grande rose de Robert Pinaigrier, qui figure l’enfer ; dans le chœur, le tombeau du grand dauphin par Coustou ; dans les bas-côtés, le tombeau du cardinal Duprat par Primatice ; le chanoine Nicolas Richer, qui a légué à l’église un autel où est sculptée la Passion dans le style exquis de la Renaissance ; l’archevêque Tristan de Salazar, qui lui a laissé son admirable tombe en gothique flamboyant ; l’épitaphe du maréchal du Muy et le jubé du cardinal de Luynes ; dans le trésor, il y a la tapisserie de Nancy où sont peintes les histoires d’Esther et de Bethsabée, et la tapisserie de Bruges où est figurée l’adoration des mages ; le chef de saint-Romain, abbé, et le chef de saint-Victor, soldat ; un ivoire byzantin, bible naïve et charmante, près d’un ivoire de Girardon, admirable Christ vivant et douloureux ; le fauteuil de bois de saint-Loup et le contre-retable soie et or du cardinal de Bourbon ; le doigt d’un pape Grégoire qui était du septième siècle et l’anneau d’un autre pape Grégoire qui était du quatorzième ; le manteau du sacre de Charles X, encore tout neuf et reluisant d’or, et la vieille chasuble trouée de Thomas Becket, cet autre exilé ; la croix de vrai bois donnée par Charlemagne à l’évêque Magnus, et la chapelle en vermeil donnée par Napoléon au cardinal Maury ; l’humble signature de Vincent de Paul, indigne prêtre de la Mission, et la violente devise du cardinal de La Fare : Lux nostris hostibus ignis.

Tous ces contrastes se mêlent dans l’admirable église et s’y résolvent en harmonies ; toutes sortes de cicatrices s’y confondent et s’y croisent ; toutes sortes de pensées y sortent de chaque pierre ; 93 a dévasté le sépulcre de Tristan de Salazar ; une salve d’artillerie, tirée à l’entrée de je ne sais plus quel roi, a brisé la grande rose de la façade ; la stupidité révolutionnaire d’une part, la stupidité monarchique de l’autre. À gauche de l’entrée du chœur, voici l’emplacement de l’autel où l’évêque Gaultier Cornu maria saint-Louis le 27 mai 1234 ; dans le chœur, ces quatre figures si tendrement sculptées par Coustou, c’est le cénotaphe du grand dauphin. Sous ce marbre,