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LE MANUSCRIT DU RHIN.


II

LE MANUSCRIT DU RHIN.


Il n’y a pas, à proprement parler, de manuscrit du Rhin. Il y a une réunion de lettres, de vraies lettres, écrites pour la plupart au cours du voyage, et dont plusieurs portent le timbre de la poste. En 1840, l’usage des enveloppes n’existait pas encore ; on pliait la lettre de façon à réserver, au dos de la dernière page, un blanc pour l’adresse et le timbre ; on fermait ensuite la lettre avec un pain à cacheter.

Toutes les lettres sont de grandeur à peu près uniforme, petit in-quarto carré long, le plus grand format dit « de papier à lettres ». La couleur et le grain du papier diffèrent selon les villes et les hôtelleries. Le voyageur, quand le papier lui manque, déchire des feuillets de son album. Les lignes sont généralement très serrées, sans blanc et sans marge. Peu ou point de ratures. L’écriture est ferme et extrêmement fine.

Le goût, on pourrait dire la volonté du public, quant à l’exactitude et à la familiarité des lettres, a changé du tout au tout depuis soixante ans. Ce qui eût choqué autrefois, on le recherche aujourd’hui, on l’exige. Nous allons donc rétablir à leur place, au fureta mesure que nous examinerons les lettres, ces détails intimes, ces effusions de famille, qui les font plus réelles et plus vivantes ; Victor Hugo y apparaîtra le mari affectueux, le père tendre qu’il était. Et cette restitution sera un des attraits de cette édition, qui veut avant tout la sincérité.

Prenons maintenant par le détail les lettres.


LETTRE I. — La Ferté-sous-Jouarre.

Première lettre de l’excursion de 1838. Elle est adressée à Madame Victor Hugo, à Boulogne. Victor Hugo en a remanié, sur une feuille à part, le commencement, pour lui donner la forme moins intime de lettre adressée à « un ami ».

La lettre véritable débutait ainsi :

18 août.

« J’ai quitté Paris ce matin à onze heures, mon Adèle, par le plus beau temps du monde, juché sur l’impériale de la diligence Touchard entre un bossu et un gendarme. Je n’ai pas le plus petit événement à te raconter, sinon que je t’aime ; ce qui, j’espère, n’est pas pour toi un événement… »

Dans le cours de la lettre :

« C’est pour t’obéir que je t’écris tout cela, mon Adèle. Tu veux que je t’envoie toutes mes rêvasseries. Je le fais. Si elles t’ennuient, ne les lis pas, mais je serais charmé qu’elles t’amusassent. »


LETTRE II. — Montmirail.

Les Lettres I et II, séparées pour le livre, n’en font qu’une.

Montmirail, 20 août. Midi.

« Je suis à Montmirail, mais je vais repartir. Rien dans cette ville qu’un assez frais paysage à l’entour et deux belles allées d’arbres. Le reste est un fouillis de masures avec d’affreuses habitardes sur le seuil des portes…