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LE RHIN.

— Le connais-tu ?

— Non.

Le piqueur se démasqua ; c’était Érilangus. Pécopin se sentit trembler. Le diable continua :

— Pécopin, tu étais mon créancier. Je te devais deux choses, cette bosse et ce pied bot. Or je suis bon débiteur. Je suis allé trouver ton ancien valet Érilangus, pour m’informer de tes goûts. Il m’a conté que tu aimais la chasse. Alors j’ai dit : Ce serait dommage de ne pas faire chasser la chasse noire à ce beau chasseur. Comme le soleil baissait, je t’ai rencontré dans une clairière. Tu étais dans le bois des pas perdus. J’arrivais à temps ; le nain Roulon t’allait prendre pour lui, je t’ai pris pour moi. Voilà.

Pécopin frémissait involontairement. Le diable ajouta :

— Si tu n’avais eu ton talisman, je t’aurais gardé. Mais j’aime autant que les choses soient comme elles sont. La vengeance se doit assaisonner à diverses sauces.

— Mais enfin que veux-tu dire, démon ? reprit Pécopin avec effort.

Le diable poursuivit :

— Pour récompenser Érilangus de ses renseignements, je l’ai fait mon portefeuille. Il a de bons bénéfices.

— Mauvais drôle, me diras-tu enfin ce que cela signifie ? répéta Pécopin.

— Que t’avais-je promis ?

— Qu’après cette nuit passée en chasse avec toi, au soleil levant, tu me ramènerais au Falkenburg.

— T’y voici.

— Dis-moi, démon, est-ce que Bauldour est morte ?

— Non.

— Est-ce qu’elle est mariée ?

— Non.

— Est-ce qu’elle a pris le voile ?

— Non.

— Est-ce qu’elle n’est plus au Falkenburg ?

— Si.

— Est-ce qu’elle ne m’aime plus ?

— Toujours.

— En ce cas, si tu dis vrai, s’écria Pécopin, respirant comme s’il eût été délivré du poids d’une montagne, qui que tu sois et quoi qu’il arrive, je te remercie.

— Va donc ! dit le diable, tu es content, et moi aussi.

Cela dit, il saisit Érilangus dans ses bras, quoiqu’il fût petit et qu’Érilangus fût grand ; puis, tordant sa jambe difforme autour de l’autre et se