Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., En voyage, tome I.djvu/107

Cette page a été validée par deux contributeurs.
87
COLOGNE.

drale de Cologne, et, s’il plaît à Dieu, on l’achèvera. Rien de mieux, si l’on sait l’achever.

Ces piliers portant ces voûtes de bois, c’est la nef ébauchée qui réunira un jour l’abside au clocher.

J’ai examiné les verrières, qui sont du temps de Maximilien et peintes avec la robuste et magnifique exagération de la renaissance allemande. Là abondent ces rois et ces chevaliers aux visages sévères, aux tournures superbes, aux panaches monstrueux, aux lambrequins farouches, aux morions exorbitants, aux épées énormes, armés comme des bourreaux, cambrés comme des archers, coiffés comme des chevaux de bataille. Ils ont près d’eux leurs femmes ou, pour mieux dire, leurs femelles formidables, agenouillées dans les coins des vitraux avec des profils de lionnes et de louves. Le soleil passe à travers ces figures, leur met de la flamme dans les prunelles et les fait vivre.

Une de ces verrières reproduit ce beau motif que j’ai déjà rencontré tant de fois, la généalogie de la Vierge. Au bas du tableau, le géant Adam, en costume d’empereur, est couché sur le dos. De son ventre sort un grand arbre qui remplit le vitrail entier et sur les branches duquel apparaissent tous les ancêtres couronnés de Marie, David jouant de la harpe, Salomon pensif ; au haut de l’arbre, dans un compartiment gros bleu, la dernière fleur s’entr’ouvre et laisse voir la Vierge portant l’enfant.

Quelques pas plus loin, j’ai lu sur un gros pilier cette épitaphe triste et résignée :

Inclitvs ante fvi, comes emvndvs
vocitatvs, hic nece protestatvs, svb
tegor vt volvi, Frisheim, Sancte,
mevm fero, Petre, tibi comitatvm,
et mihi redde statvm, te precor,
ætherevm, hæc lapidvm massa
comitis complectitvr ossa

Je transcris cette épitaphe, ainsi qu’elle est disposée sur une table verticale de pierre, comme de la prose, sans indication des hexamètres et des pentamètres un peu barbares qui forment les distiques. Le vers à césure rimante qui clôt l’inscription renferme une faute de quantité, massa, qui m’a étonné, car le moyen âge savait faire des vers latins.

Le bras gauche du transept n’est encore qu’indiqué et se termine par un grand oratoire, froid, laid, ennuyeux et mal meublé, à quelques confessionnaux près. Je me suis hâté de rentrer dans l’église, et, en sortant de