Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome IV.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
1883.


À Madame Kattazzi.


2 janvier 1883.

Le sombre Eschyle remercie l’éblouissante et divine Rhodope. Les ténèbres sont plus que jamais éprises de l’étoile.

Vos pensées et vos lettres sont des perles, de ces perles ardentes dont parle le Koran. Il faudrait avoir tout ce que vous avez, la dignité mêlée à la passion, la grâce exquise et l’éblouissant esprit, il faudrait être vous-même, pour qu’un homme au monde pût se croire digne de vous. Il me semble que, si j’étais auprès de vous au lieu d’en être si loin, je vous prendrais de votre âme, et que je vous volerais, comme Prométhée aux dieux, cette flamme céleste qui est en vous. Mais vous êtes à Rome, hélas ! Laissez-moi dans ce rêve vous parler et vous évoquer…

Ô Madame ! qui dit grandeur dit franchise, et vous êtes franche parce que vous êtes grande. Depuis douze jours j’ai attendu le « coup d’État », j’étais aux aguets et j’espérais... Il faut repartir maintenant. Me voilà retombé pour un grand mois dans le tourbillon, dans le va-et-vient, dans le mouvement continu. Écrivez-moi, écrivez-moi. Eschyle envoie à Rhodope toute son âme, toutes ses pensées, tous ses rêves[1].


À Gambetta père, Nice.


3 janvier 1883.

Monsieur, je comprends et je partage vos sentiments. Votre douleur est incomparable, et je m’y associe. Mais songez à la mémoire de Léon Gambetta : laissez votre fils à Paris ; il le mérite comme homme illustre[2].

Je vous serre la main.

Victor Hugo[3].
  1. Nouvelle Revue internationale, 1er avril 1897.
  2. Le père de Gambetta réclamait le corps de son fils pour le faire inhumer à Nice. — Mme  Edmond Adam se rangeait à ce désir. Victor Hugo lui écrivit après les obsèques de Gambetta ce mot qui nous a été communiqué par M. E. Pillias :
    Madame, vous aviez raison ; moi aussi. Vous étiez pour la famille ; j’étais pour la patrie.
    Je suis à vos pieds.
    Victor Hugo.
  3. La Revue.