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À Alfred Barbou.


Paris, 23 décembre 1879.
Monsieur,

Je ne lirai pas manuscrit le livre que vous publiez[1]. J’ai toujours agi ainsi envers les diverses publications dont j’ai été le sujet ; je n’ai lu en manuscrit aucun de ces livres, pas même l’ouvrage de Madame Victor Hugo. Il me semble qu’en cette matière-là, comme en toute autre, je dois être du public.

S’il y a des erreurs, et il y en a, même dans le livre si noble et si touchant de Madame Victor Hugo, elles pourront toujours être corrigées. Ce que le public demande et veut, c’est la vérité, la sincérité, la loyauté parfaite et profonde.

Ces qualités, Monsieur, il les trouvera dans votre ouvrage. Vous avez un talent que j’honore, un esprit que j’aime, des convictions que je partage. Tous ces dons, vous me les offrez, dans cette œuvre où vous parlez de moi. Je vous remercie.

Quel que soit le jugement qu’on porte sur moi, je suis tranquille. Ma tentative littéraire, ma tentative politique, ma tentative sociale, sont trois efforts vers le bien. Je n’ai jamais eu de colère que contre le mal.

Humaniores litteræ. Nous sommes avec tous ceux qui ont en eux le désir de voir décroître la souffrance humaine. Si diverses que soient les surfaces, le fond, le progrès est toujours le même. Ce qu’a voulu Socrate est voulu par Molière, ce qu’a voulu Jésus est voulu par Voltaire.

Je presse vos mains cordiales.

Victor Hugo[2].


1880.


À la princesse de Lusignan[3].


Mercredi 25 février 1880.

Entre nos deux âges, madame, il y a la place d’un cinquantenaire d’Hernani. Mes quatrevingts ans offrent leurs respects à vos trente ans et mes vieilles lèvres baisent vos jeunes mains.

Victor Hugo[4].
  1. Victor Hugo et son temps.
  2. Maison de Victor Hugo.
  3. L’hôtel de Lusignan était voisin de celui qu’habitait Victor Hugo au 130 de l’avenue d’Eylau.
  4. Alfred Barbou. — Victor Hugo et son temps.