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Salines, le 11 novembre 1864.
Cher Monsieur Hugo.

Les honnêtes gens partagent l’exil que vous faites pour la dignité humaine et vos convictions, permettez-moi de vous offrir le tribut de mon admiration.

La liberté est dans les limbes, les hommes non sevrés attendent les messies. — L’homme qui pense a été humilié au 2 décembre de triste mémoire, et la France ne se relève toujours pas.

Quoique loin du pays vous êtes heureux de pouvoir votre liberté. — M. Ch. Bataille, une de vos connaissances, m’assurait que votre portrait fait par moi vous serait agréable ; si cela est, je vous le dois.

Au printemps je serai à vos ordres.

Votre tout dévoué compatriote et admirateur.

Le peintre d’Ormans,
Gustave Courbet.

L’inconvénient de l’article exact et précis de la Presse, c’est de renverser les faits.

J’aime beaucoup M. Ch. Bataille qui est un homme de talent, mais je ne l’ai jamais vu, et par conséquent je n’ai pu lui parler de M. Courbet.

J’ai vu dans la lettre de M. Courbet une offre, et je l’ai acceptée. Or, aujourd’hui, d’après la note de la Presse, c’est moi qui suis censé avoir demandé, et M. Courbet est censé avoir consenti.

C’est la situation retournée.

Il y a là un peu de ridicule pour moi à mon âge, ne le trouvez-vous pas ?

Dois-je subir en silence ce travestissement des faits ?

Y a-t-il quelque chose à faire ?

Je vous soumets la question, car vous êtes mon cordial ami, et à tous vos dons supérieurs vous joignez le suprême bon sens. Je m’en rapporte à vous.

S’il y a quelque chose à faire, rectification ou complément d’exactitude des détails donnés, rendez-moi le service de le faire. Je crois qu’en ce cas-là ce serait à la Presse même qu’il faudrait adresser les quelques lignes de complément.

Il va sans dire que votre bienveillance ménagerait beaucoup M. Courbet. Sa lettre est-elle publiable ? Dans tous les cas il faudrait, de peur de lui nuire, retrancher le passage sur le 2 Xbre.

Si vous ne faites rien, c’est qu’il n’y aura rien à faire, la chose vous aura paru sans importance, oubliée peut-être déjà et je vous donne d’avance et toujours raison.

Si pourtant la note de la Presse faisait le tour des journaux, il faudrait, je crois, aviser.

Je m’en remets pleinement à vous. Ce que vous ferez sera bien fait.