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semble que j’ai parfois devant l’œil de mon âme des silhouettes très nettes de ce grand monde de lumière qui vit au delà de nous. De là ma foi profonde dans la mort, qui est la plus grande des espérances. — Cela me rend très facile la descente de la pente obscure appelée vieillesse. — Vous, qui avez la jeunesse virile et la vie en plein midi, vous savez pourtant si bien tout comprendre que vous ne me trouverez ni chimérique, ni visionnaire. Les tombes vous parlent à vous aussi, d’un peu plus loin, mais tout aussi distinctement qu’à moi. Au besoin, vous cueillez sur le tombeau le rameau sacré. Merci de nous l’avoir envoyé. Je suis en communion aussi intime avec votre grand cœur qu’avec votre grand esprit.

V.[1]


À Paul Meurice[2].


Samedi 14 7bre.

Cher doux ami, je suis un vil mendiant, je viens vous déranger au milieu de vos travaux de toutes sortes, quelle somme puis-je tirer sur vous pour le mois d’août d’Hernani ? Nous arrivons de Chaudfontaine où nous avons vécu dans les ruisseaux, les feuillages et les prairies à raison de cent francs par jour, et me revoilà à sec. Pardon. Merci. - J’apprends que les Beaux Messieurs de Bois Doré ne seront joués que le 20. Quel beau lever d’aurore que cette reprise d’une œuvre profonde et charmante ! Hélas, mon cœur seul y sera.

V.

Est-ce qu’il ne me sera pas donné de vous voir ? Je ne partirai pas avant le 30 7bre[3].


Au même.


Bruxelles, 16 7bre.

Merci de la bonne nouvelle pour Ruy Blas[4]. J’ai une si charmante reine d’Espagne que je renonçais à regret à ce royaume. Je suis heureux de voir que sa couronne lui est rendue. Dites-le lui, et mettez-moi aux pieds de sa gracieuse majesté. — Certes, je retarderai mon départ de Bruxelles, puisque

  1. Bibliothèque Nationale.
  2. Inédite.
  3. Bibliothèque Nationale.
  4. « Vous avez lu les entrefilets que j’ai mis dans la Liberté, dans le Courrier et dans l’Époque... Or Camille Doucet a vu Chilly avant-hier et lui a parlé tout à fait dans le sens de ces notes extra-diplomatiques. Il lui a dit qu’une nouvelle interdiction de Ruy Blas serait une faute absurde et créerait un danger grave. Il se croit sûr d’emporter une affirmation au mois de novembre. Lettre de Paul Meurice, 15 septembre.