dont vous parlez si bien, elle n’ayant encore que l’aube dans les yeux, lui déjà tout couronné de renommée. Penser à la mort, c’est une bonne manière de vivre, et penser aux morts, c’est une bonne manière d’aimer. En lisant votre livre, Marie, on vit et on aime. Vous réveillez l’âme par la douceur de votre voix évoquant le souvenir. Que de pages exquises ! Que de mots qui ont la profondeur tendre et la mélancolie gracieuse ! La grâce, c’est vous, le charme, c’est vous. Votre livre est le miroir de Charles Nodier et le portrait de Marie Nodier. Vous vous êtes peinte en le reflétant. Vous avez son noble esprit et sa douce puissance. Que n’êtes-vous ici ! Je suis dans la solitude verte, dans les fleurs, entouré de ma famille, avec mon petit Georges qui rit comme riait votre petite Georgette. Ma femme, ravie comme moi de votre livre exquis, me commande de vous embrasser. J’obéis, mais je reste à vos pieds.
Lettre que je n’ai pas envoyée.
J’ai espéré jusqu’au dernier moment pouvoir assister au congrès de Genève. M. B. vous a dit les raisons de santé qui m’obligent à m’abstenir. Il vous a dit aussi combien du fond du cœur j’adhère à cette grande et nécessaire manifestation.
Vous serrer la main eût été pour moi une joie profonde. Vous êtes le Héros. Aucune gloire n’est au-dessus de la vôtre. À l’Europe vous avez donné l’Italie, et à l’Italie vous donnerez Rome. Vous portez l’épée vénérable de la Délivrance.
Vous n’êtes pas l’homme de la guerre, vous êtes l’homme de la paix. Pourquoi ? parce que vous êtes l’homme de la liberté. D’abord la liberté, ensuite la Paix ; d’abord la lumière, ensuite la vie. La question a toujours été ainsi posée depuis l’origine du monde. Et c’est pour cela que ceux qui sont dans le secret des dieux voient lever le soleil, et que ceux qui sont dans la monarchie désirent voir apparaître la république.
J’envoie au congrès de Genève mon applaudissement fraternel, et je presse dans mes mains vos mains illustres[2].