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Au Rédacteur en chef du Croisé.


Bruxelles, 31 juillet 1867.
Si pergama dextra
Defendi passent, etiam hac defensa fuissent.

Cette main, cette droite vaillante et loyale, c’est la vôtre. Vous êtes, Monsieur, vous et vos dignes amis, les défenseurs d’une grande cause, compromise par des défenseurs violents. Si une résurrection était possible, elle le serait par vous. Vous avez le rayon qui réchauffe et la flamme qui rallume. Vous êtes des talents servis par des consciences.

Je maintiens les termes de ma lettre : il y a entre nous harmonie profonde et désaccord profond.

Je crois à l’Incréé, à l’Idéal, à l’Éternel, à l’Absolu, au Vrai, au Beau, au Juste, — en un mot à l’Infini ayant un Moi. L’Infini sans Moi serait limité, quelque chose lui manquerait, il serait fini. Or, il est l’Infini.

Je crois donc à ce Moi de l’Abîme qui est Dieu.

La Foi en Dieu, c’est plus que ma vie, c’est mon âme.

C’est plus peut-être que mon âme, c’est ma conscience.

Je ne suis pas panthéiste. Le panthéisme dit : Tout est Dieu. Moi, je dis : Dieu est tout. — Différence profonde que votre attention pensive comprendra.

Si nous avions l’occasion de causer, vous ne me convertiriez pas, et je ne vous pervertirais point. Nos consciences s’entendraient. Nos loyautés sympathiseraient.

Nous sommes des combattants qui s’estiment, et qui, tout en se combattant, s’aiment. Profond devoir de fraternité.

Victor Hugo[1].


À Émile Accolas.


[Juillet 1867.]
Mon honorable et cher concitoyen,

Je suis ardemment avec vous. Un congrès de la paix entre peuples sera une magnifique réponse à ce congrès de rois qui couve la guerre.

Je serre votre main cordiale.

Victor Hugo[2].
  1. Le Croisé, 10 août 1867. Journaux annotés. — Nous rappelons que les Journaux annotés par Victor Hugo sont reliés à la Bibliothèque Nationale.
  2. Actes et Paroles. Pendant l’exil. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.