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pour une puissance matérielle, or, c’est une force morale. Le jour où cette vérité sera comprise, les peuples qui nous montrent le poing, nous tendront la main. La France n’est plus le Conquérant, elle est le Tuteur.

Votre excellent livre met en relief toutes les réalités démocratiques. Il est pathétique par le mouvement des faits amalgamé à l’éclosion des principes. Il est intéressant comme l’histoire et substantiel comme le code. Vous êtes un beau talent et un noble esprit.

C’est dans un intérêt public que je souhaite le succès de votre consciencieux et précieux livre. — Je vous serre la main.

Victor Hugo[1].


À Paul Meurice[2].


H.-H., jeudi 25 avril.

Vous avez hier reçu le bon à tirer final. Je serais d’avis de remplacer par un point simple (.) le point d’exclamation qui termine (!) — sancta simplicitas. Vous trouverez au verso le texte exact des vers de Boileau cités en note. Mme  Chenay les a transcrits.

Cher doux ami, vos lettres, lues le soir à table dans cette étroite intimité qui vous aime, font mouiller les yeux et battre les cœurs, tant elles sont tendres et hautes. Vous avez un art merveilleux d’être charmant et profond à la fois. De là tous les applaudissements enthousiastes à la Vie nouvelle. Comme je l’attends, et comme je vais me monter et me jouer la pièce tout de suite, en me tournant de temps en temps vers mon vieil ami l’océan, et en lui disant : hein ? — Votre projet de traité pour Ruy Blas est excellent, et, le moment venu, si vous me le permettez, je vous donnerai pleins pouvoirs. Je dis le moment venu, parce que l’avenir actuel de Ruy Blas, et de mon répertoire, n’est pas clair du tout. Vous avez sans doute lu un journal, l’Esprit nouveau, et le Soleil, 13 avril, qui se disent très informés. Il en résulterait que ce bon gouvernement m’aurait un peu fait tomber dans un traquenard. On ne jouerait que Hernani. Après quoi, on verrait. Or, la police étant maîtresse, et pouvant me faire, à la reprise de Hernani, la première représentation qu’elle voudra, chute littéraire, par un pipe-en-bois bonapartiste et classique, ou tapage politique, par une escouade de mouchards, on verrait qu’on ne verrait rien, et mon répertoire serait, pour l’instant, étranglé entre deux portes, la porte du Théâtre-Français et la porte

  1. Institut d’Histoire de la Ville de Paris.
  2. Inédite.