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À Raoul Lafagette.


H.-H., 8 septembre.

Votre article, mon cher et vaillant poëte, porte l’expression de votre noble esprit. C’est une haute et belle page. Vous faites bien de marquer votre dissidence avec moi[1]. Personne pourtant ne serait plus digne que vous d’avoir et de confesser le sentiment de l’infini. M. Proudhon appelait cela « mysticisme ». Mais c’était une âme étroite et vous êtes, vous, un grand cœur ; c’était un rhéteur et vous êtes un poëte. Je vous appuierai de tout mon cœur près de Charles Blanc[2], si vous me croyez bon à quelque chose.

Je suis votre ami,

Victor H.[3]


À Madame Judith Mendès.


H.-H., 10 septembre.

Soyez charmante autant que vous êtes belle, et bonne autant que vous êtes divine, et venez voir le solitaire. Les astres me rendent parfois visite, et leur rayon entre chez moi ; faites comme eux.

Deux ans d’absence ont délabré ma masure, et je n’ose vous y offrir un affreux coin ; mais en face de Hauteville-House il y a un petit Family-Hotel où M. et Mme d’Alton Shée (qui sont venus, eux !) ont deux chambres pour 20 francs par semaine. Ils sont chez moi toute la journée, déjeunent et dînent chez moi, et n’ont que la rue à enjamber. Laissez-vous tenter. Si vous ne pouvez venir avec votre père, venez avec votre mari ; s’ils ne peuvent ni l’un ni l’autre, venez seule. Je serais bien heureux de serrer leur main, et de baiser vos pieds, madame.

V. H.[4]
  1. Dans un article que son fils n’a pu retrouver, Raoul Lafagette, alors très matérialiste, avait reproché à Victor Hugo son déisme.
  2. Grâce à la recommandation de Victor Hugo près de Charles Blanc, Raoul Lafagette entra aux Beaux-Arts.
  3. Communiquée par Roger Lafagette.
  4. Collection Louis Barthou.