Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome III.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de procès. Cependant je vais éplucher ce volume inédit[1] (terrible) et je finirai par trouver. Et puis vous mettrez des points. — C’est convenu, comptez sur moi.

Je vous envoie une lettre qui fait en ce moment très utilement le tour des journaux anglais, lesquels l’approuvent fort. Voyez si vous la voulez pour le Rappel[2]. C’est à propos du Normandy, catastrophe qui a remué l’Angleterre pendant que la Haute-Cour absorbait la France.

À propos du Normandy, tâchez donc de trouver moyen de dire que les personnes qui m’ont écrit du 10 au 16 mars ne doivent pas s’étonner si je ne leur réponds pas, leurs lettres étant au fond de la mer. Cette fois l’océan a fait la besogne de M. Vandal.

Je ferme en hâte cette lettre. On m’appelle près de ce pauvre Kesler qui est bien malade.

À vous tendrement.

V.[3]


À Madame Edgar Quinet[4].


Hauteville-House, 8 avril.

Que vous dire, Madame ? J’ai lu votre livre. Je devrais vous baiser la main et me taire. Quelle page vous avez écrite sur moi ! Vous me faites l’effet de cette fée des contes d’Orient qui offrait un diamant à un rocher. Le rocher acceptait et du diamant faisait une étoile à son vieux front noir. J’accepte aussi, madame, et il me semble que maintenant j’ai sur moi un rayon de votre âme.

Cette page est exquise, et tout le livre est comme cette page. Vos mémoires d’exil ont le vivant reflet du grand et doux maître qui est apôtre en même temps que poëte, et qui s’appelle Quinet. Vous êtes un talent charmant et un cœur vaillant.

Je suis triste. Je viens d’enterrer un vieux compagnon de ma solitude[5] ; je vais ouvrir votre livre, il me sourira et me consolera. Que c’est bon, la lumière vraie ! et c’est de cette lumière-là que toute votre âme est faite.

J’embrasse mon cher Quinet, et je lui demande la permission de rester le plus longtemps possible à vos pieds.

Victor Hugo[6].
  1. Les Nouveaux Châtiments, publiés dans le Reliquat des Châtiments, édition de l’Imprimerie Nationale.
  2. Au rédacteur du Star. Actes et Paroles. Pendant l’exil. Notes de 1870.
  3. Actes et Paroles. Pendant l’exil. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.
  4. Inédite.
  5. Kesler. (Note de Victor Hugo.)
  6. Bibliothèque Nationale. Nouvelles acquisitions françaises.