Merci, chère Clémentine, de votre lettre charmante. Vous aussi, je le vois, vous vous séparez de moi sur quelques points. C’est tout simple, et je ne serai pleinement compris qu’après ma mort. Tout homme qui veut la lumière a beaucoup d’ennemis, et plus il veut la lumière, plus on s’efforce d’épaissir sur lui les ténèbres. À la mort, tout se dissipe. Le propre du tombeau, c’est de faire le jour. On ne saura ce que j’ai été que lorsque je ne serai plus.
En attendant, aimez-moi. Vous me parlez des trois volumes de l’Homme qui Rit. Est-ce que vous n’avez pas reçu l’ouvrage entier ? Réclamez-le, car j’ai dit qu’on vous l’envoyât. J’attends toujours votre portrait annoncé. Certes, je serai heureux de vous voir dans mon apparition à Bruxelles. Oui, vous pouvez tout me dire. J’ai un bon vieux cœur, et j’ai l’habitude d’entendre à mon oreille le chuchotement des tristesses. Chère Clémentine, je vous embrasse tendrement.
Remerciez Mme Ernest. Voulez-vous être assez bonne pour transmettre ce mot à Madame Blanchecotte dont j’ignore l’adresse. (J’ignore aussi la vôtre. Suis-je bête ![2])
Tu m’as écrit, mon Charles, une lettre magnifique[3]. Au reste tu n’en fais pas d’autres. Ton deuxième article (les trois serments)[4] est une trouvaille. L’intercalation de l’anecdote touchante dans cette imprécation vengeresse émeut, et fait brusquement venir l’attendrissement à travers la colère. Tu avais un effet du même genre, très rare et très saisissant, dans ta visite à Barbès. Je sais par ce qu’on m’écrit que tes articles font une très grande sensation à Paris. Continue. Mais sois prudent. Un mot de trop, et tu serais forcé d’opter entre la prison et l’exil. Si tu optais pour Hauteville-House, j’aurais l’égoïsme féroce de n’en pas être désolé.
Oui, ta lettre sur l’Homme qui Rit est tout un article, quel dommage que