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À Madame Cessiat de Lamartine.


Hauteville-House, 10 mars 1869.
Madame,

Depuis 1821, j’étais étroitement uni de cœur avec Lamartine. Cette amitié de cinquante ans subit aujourd’hui l’éclipse momentanée de la mort. Je n’ai pas voulu, dans les premiers moments, importuner votre douleur des sympathies de la mienne ; mais à cette heure, vous me permettez, n’est-ce pas, madame, de vous dire, à vous qui lui teniez par le sang, à vous qui l’aimiez et qu’il aimait, mon deuil profond. Toutes les formes de la gloire, depuis la popularité jusqu’à l’immortalité, Lamartine les a, radieux poëte, orateur puissant et durable. Il nous semble mort, il ne l’est pas. Lamartine n’a pas cessé de rayonner. Il a désormais un double resplendissement : dans notre littérature où il est esprit, et dans la grande vie inconnue où il est étoile. Je mets à vos pieds, madame, mon respect.

Victor Hugo[1].


À François Coppée.


15 mars 1869.

On me dit, cher poëte, que vous êtes malade. Je n’en crois rien. Votre jeune renommée se porte si bien ! Il est impossible que le poëte souffre quand sa gloire rayonne. Vous avez tous les succès, succès avec votre comédie, succès avec votre livre. Je vous relis en ce moment. Vos Poëmes modernes sont un échelon de plus gravi par votre talent robuste et charmant. Quo non ascendas ? Vous êtes applaudi et acclamé. Je suis heureux de ce doux triomphe si juste et si vrai. Vous avez la voix de la foule ; permettez-moi d’y ajouter la voix de la solitude.

Ex corde profundo.
Victor Hugo[2].


À Auguste Vacquerie[3]


16 mars, H.-H.

In haste. Cher Auguste, veuillez lire cette lettre de M. Lacroix[4]. Il persiste à me demander la préface, mais vous m’avez averti d’une combinaison bizarre dont il se garde de m’informer. Or, je ne me livrerai que si vous me

  1. Copie annotée par Victor Hugo. — Archives de la famille de Victor Hugo.
  2. Mondain-Monval.Victor Hugo et François Coppée. Revue Hebdomadaire, 4 juin 1910.
  3. Inédite.
  4. Dans cette lettre Lacroix demandait la préface de L’Homme qui Rit, prétextant un retard dans la mise en vente si la préface lui parvenait au dernier moment.