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fait ; et le drame historique peut être une très belle œuvre, puisque Dumas s’y est illustré ; mais je n’ai jamais fait de drame historique ni de roman historique[1]. Quand je peins l’histoire, jamais je ne fais faire aux personnages historiques que ce qu’ils ont fait, ou pu faire, leur caractère étant donné, et je les mêle le moins possible à l’invention proprement dite. Ma manière est de peindre des choses vraies par des personnages d’invention.

Tous mes drames, et tous mes romans qui sont des drames, résultent de cette façon de voir, bonne ou mauvaise, mais propre à mon esprit.

Par ordre du Roi sera donc l’Angleterre vraie, peinte par des personnages inventés. Les figures historiques, Anne, par exemple, n’y seront vues que de profil. L’intérêt ne sera, comme dans Ruy Blas, les Misérables, etc., que sur des personnages résultant du milieu historique ou aristocratique d’alors, mais créés par l’auteur[2].


À Villemain.


Hauteville-House, décembre 1868.
Mon illustre et cher confrère,

J’apprends avec plaisir que je suis un des huit plus vieux de l’Académie. Tout en souhaitant et en espérant la longévité d’autrui, j’ai le droit de tenir peu à la mienne. Ma sortie me semble désormais prochaine et j’en félicite les talents et les renommées qui attendent. Si l’exil m’empêche de donner ma voix, il ne m’empêche pas de donner ma place.

Du reste, dans cet exil, maintenant volontaire, la communication que vous voulez bien me faire vient très à propos. J’ai entrepris, à mes frais, dans mon île, l’amélioration hygiénique et intellectuelle de quarante enfants pauvres, et je saisis avec empressement le moyen de grossir un peu leur petite liste civile. Soyez assez bon pour annoncer à l’Académie que j’accepte, et recevez l’assurance de ma haute considération.

V. H.

Cher Villemain, laissez-moi, en dehors de la lettre officielle, vous serrer la main et vous dire que mon vieux cœur est toujours tout à vous[3].

  1. L’éditeur Lacroix, en annonçant Par ordre du Roi, l’avait qualifié : roman historique.
  2. Archives de la famille de Victor Hugo.
  3. Actes et Paroles. Pendant l’exil. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.