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Cependant l’Élysée a insisté. Hier l’Observateur belge publiait ceci :[1]

J’ai répliqué par l’envoi suivant[2] :

Te voilà au fait de mon dialogue avec l’Élysée. J’espère que ce mot lui cassera le bec.

Chère maman bien-aimée, j’ai passé hier une bonne soirée. Alexandre Dumas est arrivé, nous avons dîné ensemble et parlé de toi. Il nous a dit comme tout le monde t’aime et te respecte, et je lui ai dit que tout le monde avait bien raison.

Tu as dû voir Hetzel. Il a dû te parler de mon livre, et te faire toucher du doigt les obstacles à la publication. Ces obstacles disparaîtront. M. Trouvé-Chauvel, l’ancien ministre des Finances, est venu me voir tout à l’heure. Je crois qu’il ira à Londres et qu’il s’occupera du mode de publication de mon livre. Ils étaient là trois anciens ministres de 1848, Charras, Freslon[3] et Trouvé-Chauvel. Je leur ai lu quelques pages de mon manuscrit. L’effet a été bon. Trouvé-Chauvel a dit : Ce livre sera un événement et un monument.

Caylus[4], du National, sort de chez moi. Il part pour l’Amérique. Le directeur du Courrier des États-Unis, journal français de New-York, désire m’acheter le droit de publier mon livre en Amérique. Caylus le verra,

  1. Extrait d’un article collé sur la lettre :
    « Bien que l’on ait démenti dans vos journaux la nouvelle de la rentrée prochaine de M. Victor Hugo, je puis de nouveau vous affirmer qu’il en est question. Je ne veux pas dire certainement que M. Victor Hugo soit en instance auprès du prince pour obtenir le rappel du décret de proscription rendu à son égard, mais M. Victor Hugo a, et c’est à son honneur, à Paris de nombreux amis ainsi que des admirateurs qui s’entremettent vivement en sa faveur. Je ne veux pas seulement parler de littérateurs, de collègues de M. Victor Hugo à l’Institut, mais il est bon qu’on sache que parmi les membres du ministère eux-mêmes, parmi nos hauts dignitaires, il en est qui ont épousé chaudement la cause du poète exilé.
    « M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique, a été l’un des premiers à s’associer à une pensée de clémence et d’oubli ; M. Billault, qui a des relations d’amitié avec quelques-uns des membres de la famille Hugo, a parlé dans le même sens au président. Enfin la princesse Mathilde elle-même a insisté et insistera encore aussi longtemps que les portes de France ne se rouvriront pas pour l’une des gloires littéraires de notre époque. À présent, je sais bien qu’il dépend de M. Victor Hugo de rendre inutiles ces démarches en déclarant qu’il n’acceptera aucune grâce, mais c’est un fait personnel qui ne changera rien à ce que je vous ai raconté des précédentes dispositions du pouvoir. »
  2. Extrait de journal collé sur la lettre :
    « On nous demande l’insertion de la note suivante :
    M. Victor Hugo ne croit pas qu’il puisse venir à l’idée de personne de faire des démarches quelconques pour amener sa rentrée en France ; dans le cas où, par impossible, de telles démarches seraient faites, M. Victor Hugo les désavoue d’avance ; s’il arrivait que l’autorisation dont a parlé le correspondant de l’Observateur belge fût spontanément signée, elle serait accueillie par le dédain. M. Victor Hugo n’a rien à demander à M. Louis Bonaparte, ni rien à recevoir de lui. »
  3. Freslon, avocat, représentant de Maine-et-Loire, et ministre de l’Instruction publique en 1848 ; non réélu, il n’adhéra point au coup d’État et reprit sa profession d’avocat au barreau de Paris.
  4. Caylus était, au moment du coup d’État, directeur du National. Il se fixa à New-York avec sa famille.