Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Charles de son côté depuis quelques jours m’a demandé du papier ; je ne le lui ai pas marchandé comme tu penses, il s’est enfermé dans sa chambre, et je crois qu’il travaille. J’ai vu sur sa table des feuilles offrant l’aspect de choses dialoguées. J’en conclus qu’il fait peut-être une pièce. Auguste m’a écrit une bien bonne et bien charmante et bien belle lettre, remercie-le. Le quatrain a fait notre joie. En attendant que je lui écrive, cause avec lui du cautionnement. Je ne crois pas que l’Événement puisse renaître sous quelque forme que ce soit. Il faudrait donc retirer le cautionnement. Il y a là 6 000 francs dont nous pourrons avoir prochainement grand besoin, et qui, dans tous les cas, seront mieux dans nos mains que dans les mains du Bonaparte.

Chère amie, on me rappelle l’heure, il faut que j’écourte cette lettre. J’ai pourtant encore des bonnes choses plein le cœur. Distribue-les à tous comme si je te les envoyais. Devine tout ce que je dis de tendre à mon Toto et à ma Dédé, et dis-le leur. Enfin fais-toi à toi-même mille tendresses et à nos chers bons amis Auguste et Meurice et prie madame Meurice de supposer que je lui baise humblement la main. — J’ai reçu une fort gracieuse lettre de madame Lucas. Je lui répondrai par le prochain courrier. — Encore mille baisers[1].


À Jules Janin.


Bruxelles, 10 mars 1852.

Quelqu’un qui m’aime m’a envoyé ici quinze colonnes de vous datées du 23 février, quinze diamants[2]. J’en suis tout ébloui et bien charmé. Que vous avez d’esprit, cher poëte, et que vous avez de cœur ! Vous savez qu’on a besoin de soleil en Sibérie, et vite, vous écrivez un feuilleton pour les proscrits, pauca meo Gallo. Ce pauca est beaucoup. Je vois que vous m’aimez toujours un peu là-bas, vous tous les poëtes, vous tous les artistes, vous tous les grands et bons cœurs. Merci. L’exil finit, l’amitié ne finit pas. Je vous serre les deux mains.

Victor Hugo[3].
  1. Bibliothèque Nationale.
  2. C’est le feuilleton sur Diane et Marion de Lorme que nous avons mentionné page 72.
  3. Clément-Janin. Victor Hugo en exil.