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rien. Tu t’es expliqué pourquoi ce que je te disais de ta belle lettre à Calcraft n’est pas dans mon texte publié. Tu avais écrit à Victor que pour des raisons diverses, tu renonçais à publier ton apostrophe au bourreau. De là la suppression faite. Depuis, j’ai lu ta lettre dans La Gazette de Guernesey, et j’ai regretté le retranchement.

À bientôt. Dans six semaines, je serai à Hauteville-House. Il y aura un crêpe sur Jersey. Tous ici, nous vous aimons tous là-bas.

Tuus.

V. H.[1]

Si M. Paul de Saint-Victor est encore à Trouville, je salue ce noble esprit et ce grand talent. Dis-le-lui[2].


À George Sand.


Bruxelles, 14 août 1866.

Le bruit de votre illustre nom m’arrive toujours, quoique, devenu solitaire chronique (ce qui finit par être une surdité), je ne sache plus rien de ce qui se passe. L’idée du Don Juan de Village[3] est haute et profonde, comme tout ce qui vient de votre grand esprit. L’immuabilité de l’éternel fond humain, le cœur partout identique à lui-même, la corruption de la ville accentuée par la sauvagerie du village, le vice poussant dans l’herbe aussi bien qu’entre les pavés, don Juan paysan, cela est vrai de la grande vérité qui est en même temps la grande originalité. Et ce vice dompté par l’amour, ce tigre sur le dos duquel saute l’enfant ailé, le plus doux et le plus puissant des belluaires, c’est encore là de la grandeur charmante, de la grandeur digne de vous, madame.

Regardez à vos pieds. Vous y verrez mon admiration.

Victor Hugo.[4]
  1. Le 27 juillet, à la demande de son cousin, Alfred Asseline, Victor Hugo avait public, dans les journaux étrangers, une lettre demandant la grâce de Bradley, condamné à mort. Il ne l’avait pas obtenue. Cette lettre, insérée dans Actes et Paroles, Pendant l’exil, parut sans nom de destinataire, le tutoiement avait été supprimé.
  2. Alfred Asseline, Victor Hugo intime.
  3. Comédie en 3 actes, écrite en collaboration avec Maurice Sand, et représentée au théâtre du Vaudeville, le 12 août 1866.
  4. Archives de Madame Lauth-Sand.