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grand succès vous est dû. Vous vous rattachez glorieusement aux grandes traditions de l’art universel, et votre talent honore la littérature contemporaine.

Vous me dédiez votre belle œuvre en termes qui me touchent profondément.

Recevez mon remercîment ému et cordial.

Victor Hugo.


À Paul Meurice.


H.-H., 23 janvier [1866].

Si l’on savait comme j’aime mes amis et comme je hais peu mes ennemis, mes bons ennemis seraient bien attrapés. Il suffit de la seule vue de votre écriture pour me faire oublier les diatribes, et de la seule lecture d’une de vos lettres pour me faire remercier les haines. Oui, je les remercie, car je sens que vous m’aimez d’être haï. Je ne suis pas haï pour rien en effet, et ceux qui admirent Proudhon, le candidat sénateur évincé et réduit à recevoir de l’argent, sans broderies, des mains du coup d’état, ceux-là peuvent m’insulter, et font bien. Je ne suis qu’un caillou sur un rocher. Je ne déteste pas le martyr à l’égal du bourreau. Je n’ai ni une probité de ce calibre, ni une pensée de cette force. J’ai quelque peu raillé M. Lacroix du va-tout qu’il a joué sur Proudhon. Après Marat, Proudhon. C’est habile.

Avez-vous lu l’excellente lettre écrite par Erdan à propos de M. Pichat et de l’Événement ? J’écris à Erdan pour l’en féliciter. Mais je ne sais où le trouver. Voudrez-vous lui faire tenir ma lettre ? Voudrez-vous aussi faire jeter l’autre billet à la poste.

Je lis aujourd’hui dans Le Soleil et dans La Presse de très bons détails préparatoires sur Les Travailleurs de la Mer. Ce livre n’est pas un livre de combat ; il est écrit, non pour la minute, mais pour la postérité (passez-moi cet orgueil). C’est là sa faiblesse et sa force. Quelques lecteurs comme vous satisfaits, je n’en demande pas davantage à mon siècle.

Serez-vous assez bon pour vous informer, en payant les 618 francs à la Compagnie de la rue Ménars, si ce n’est pas cette année qu’il y a un dividende. Je suis un riche à ce qu’on dit. Très gueux, à ce que je sais.

C’est égal, je vous aime[1].

  1. Correspondance entre Victor Hugo et Paul Meurice.