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Je suis en plein dans les Misérables, mais l’œuvre est à perte de vue, et me mènera plus loin que je ne croyais. Je ne pense pas avoir fini avant décembre. Ceci veut dire qu’il faut que vous veniez sans vous préoccuper de son achèvement. Cela ne m’empêchera pas de vous en lire des bribes, si vous désirez toujours voir çà et là un ongle ou un orteil du monstre. Je me figure, si cette lettre surnageait, les Planche et les Sainte-Beuve et les cuistres futurs devisant sur ce mot : montre. Il en convient donc ! s’écriraient-ils. Habemus confitentem. — Voyez-vous quelquefois notre cher Parfait ? Je voudrais bien que vous vissiez Deschanel, qui est un gracieux et ferme esprit. Il est venu ici, et je lui ai déraisonné de vous. — Quelle œuvre préparez-vous en ce moment ? Faites-m’en confidence. J’aime voir votre couvée, mon noble et doux cygne.

Décidément nous n’aurons pas d’été. Juillet n’est qu’un avril médiocre. Dans deux mois l’automne. Qu’elle soit la bienvenue, puisqu’elle doit vous amener ! Parlez un peu de moi à ceux qui m’aiment. Mon speech fait rage en ce moment en Italie. — Tout va.

À vous[1].


À Mario Proth[2].


Hauteville-House 19 juillet 1860.
Monsieur,

Trois numéros d’une revue excellente, la Revue internationale, m’ont été envoyés. J’y ai trouvé mon nom écrit par vous, et prononcé avec un accent qui m’a ému. Je connais depuis un certain temps déjà votre jeune et généreux talent, et je suis des yeux avec un intérêt profond votre esprit qui grandit et qui monte. Vous avez en vous le sens de ce grand siècle où nous sommes, vous comprenez la liberté, le progrès, la France, le génie, l’art, vous êtes une âme faite pour les larges essors. J’aime dans ma solitude tous ceux qui tentent l’œuvre sainte, tous ceux qui soutiennent la lutte sacrée, tous ceux qui secouent de la lumière et de la vie dans l’ombre qui voudrait revenir, tous ceux qui sont bons, sincères, vaillants et forts ; vous êtes de ceux-là. Vous comprenez fièrement votre droit et votre devoir, qui sont de marcher en tête des nouvelles générations, et de leur éclairer la voie. Cou-

  1. Bibliothèque Nationale.
  2. Inédite.