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Je me suis remis aux Misérables dont l’affaire de Jersey m’avait un peu distrait.

Serez-vous assez bon pour faire remettre ces trois lettres ? À vous. Ex intimo[1].


À Michelet.


14 juillet [1860]. Hauteville-House.

Je viens de recevoir votre livre[2], et je l’ai lu sans respirer. Les hommes comme vous sont nécessaires. Puisque les siècles sont des sphynx, il faut qu’ils aient des Œdipes. Vous arrivez devant ces sombres énigmes, et vous en dites le mot terrible. Ce faux grand siècle, ce faux grand règne, il fallait le démasquer, lui ôter cette perruque qui cachait la tête de mort, montrer le crime sous la pompe, vous l’avez fait. Je vous remercie. — Oui, je vous remercie de ce livre comme d’un fait personnel. Ce Louis XIV me pèse. Dans un poëme encore inédit[3] j’en ai parlé comme vous. J’aime cet accord entre nos deux âmes.

Tous vos livres sont des actions. Comme historien, comme philosophe, comme poëte, vous gagnez des batailles. Le progrès et la pensée vous compteront parmi leurs héros. Et quel peintre vous êtes ! Vous faites revivre ce règne avant de le décapiter. Je finis cette lettre, mais c’est pour reprendre votre livre, je ne vous quitte pas.

Cher grand penseur, je vous embrasse.

Victor Hugo[4].


À Herzen[5].


Hauteville-House, 15 juillet 1860.

Cher compatriote de l’exil — (car l’exil est à cette heure la patrie des âmes honnêtes), je vous serre la main. Je vous remercie du livre excellent que vous m’avez envoyé[6], vos mémoires sont un registre d’honneur, de

  1. Bibliothèque Nationale.
  2. Louis XIV et la révocation de l’Édit de Nantes.
  3. Les Quatre Vents de l’Esprit. La Révolution. Écrit en 1857, ce poème ne parut qu’en 1882.
  4. Musée Carnavalet. Jean-Marie Carré. Michelet et son temps.Revue de France, 15 février 1924.
  5. Inédite.
  6. Premier volume des Mémoires de Herzen, traduction de Delaveau.