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palpite de l’immense bravo de Paris. Cher poëte, après la comédie le drame ; vous mettez votre couronne sur les deux grands masques du théâtre. Si, comme je n’en doute pas, tous ceux qui ont ri à Fanfan la Tulipe vont pleurer au Maître d’école, vous voilà sur l’affiche pour six mois. Continuez. Ne vous lassez pas de vaincre. Vous triomphez doublement, au profit de la révolution littéraire et du progrès social. Que Frédérick a dû être beau ! Félicitez-le de ma part. Je le remercie comme pour Ruy Blas.

Puisque je remercie, je reviens à vous. Que vous êtes bon et charmant ! Encore 100 francs pour notre pauvre caisse[1]. Je vous envoie la reconnaissance de tous. Vous êtes aussi populaire à Guernesey que devant la rampe, cette rampe splendide où vous allumez des étoiles. Nos amis vous remercient avec le cœur. 200 francs en trois mois ! c’est plus que le reste de la France ne nous donne en trois ans.

Ceci n’est qu’un bravo et un merci. Je répondrai à votre lettre bientôt.

V[2].


À Hetzel[3].


20 mars 1859.

Je travaille à force, que vous dire de plus ? Le livre est-il fini ? Oui et non. Il y a encore l’essentiel à faire. Le livre grandit et gagne, je crois. La guerre me fait moins peur qu’à vous. Mes livres ont toujours paru à contre-temps ; Les Feuilles d’Automne le jour de l’insurrection de Lyon, Notre-Dame de Paris le jour du sac de l’archevêché, Marion de Lorme avait à sa porte deux émeutes par semaine. On enjambait une barricade pour venir faire queue. Cependant il vaudrait mieux paraître en temps paisible, j’en conviens. Mais comment s’y prendre ? n’est-il pas déjà trop tard ?

Je me suis toujours peu préoccupé du quart d’heure où je publiais un de mes livres. Le succès de la minute ne m’importe pas ; quand les ouvrages d’un homme sont consciencieux, la vente de tous finit toujours par s’équilibrer. Il y aura la guerre, soit ! eh bien, on attendra l’automne ou le printemps prochain[4].

  1. « … Plus 100 francs que je vous prie de verser à nouveau pour moi dans la Caisse ; c’est la dîme du Maître d’Ecole. » (Lettre de Paul Meurice, 13 mars 1859.)
  2. Bibliothèque Nationale.
  3. Réponse à la lettre d’Hetzel (15 mars 1859) réclamant le manuscrit très vivement et très promptement. La guerre de l’Italie contre l’Autriche était imminente. « En juin on se battra. Le moment est bon et l’avenir est douteux. Donc, saisissons le moment. »
  4. Collection Jules Hetzel. La Légende des Siècles. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.