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y êtes deux fois, et puisque vous habitez cette maison, je suis content qu’elle vous agrée. Si j’étais à Paris, je ne concéderais pas le moins du monde mon orthographe qui est la vraie. J’ai quelque dédain pour le dictionnaire de l’Académie[1]. Dites-le, je vous prie, à mon honorable ancien condisciple M. Claye. Je suis augure, ce qui fait que je me fiche d’Isis. Le dictionnaire de l’Académie est une des plus tristes pauvretés qu’on puisse faire à quarante.

J’attends les bonnes feuilles que vous m’avez promises.

À vous et à vous.
Ex intimo corde.

Nous causerons dans ma prochaine lettre de ce qu’il y aura à faire pour la publication. Serrement de main à nos amis. Mes hommages à votre chère et gracieuse femme. Mon cher vieil ami Louis Boulanger est-il marié ? A-t-il reçu ma lettre ? — Remerciez M. de Girardin du portrait de Mme  de Girardin qui nous a fait grand plaisir et que nous aimons[2].


À Paul Meurice.


Dimanche 6 avril.

Un esprit comme le vôtre est tout un public, vous avez à la fois la pénétration de l’élite et l’intuition de la foule, étant artiste comme le ciseau qui sculpte et poëte comme le vent qui souffle. Aussi vos lettres me charment ; elles me font l’effet de commencer pour ce livre que vous voulez bien aimer un succès de multitude et de solitude. Continuez de me dire vos impressions à travers ce hallier de vers et de strophes où vous êtes si courageusement entré pour arracher les épines et combler les pièges à loups ou à lecteurs que les imprimeurs multiplient volontiers sous les pas des poëtes et du public. — À ce propos, je constate vos soins admirables. À cela près de deux feuilles (les feuilles 15 et 16 qui me manquent, oubliées sans doute. Envoyez-les-moi le plus tôt possible, je vous prie) ; j’ai lu tout le tome Ier, puis les quatre premières feuilles du tome II ; or, je n’ai trouvé qu’une seule faute sérieuse, ombrelle pour ombelle (p. 18, v. 11), et cette faute vient évidemment d’un correcteur excessif et puriste qui, au dernier moment, a

  1. Paul Meurice avait écrit à Victor Hugo que les compositeurs étaient des « gaillards ferrés sur le dictionnaire de l’Académie et qui aimeraient mieux se couper le poing que d’imprimer lys, par exemple, dans la jolie orthographe que vous adoptez, où lys, ressemble à la fleur ».
  2. Correspondance entre Victor Hugo et Paul Meurice.