Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au moment où elle a su qu’elle était condamnée à mort, Mme  Eugénie Drouit a écrit ceci pour vous. À un pareil instant on dit vrai. Quant à moi, je la crois ; j’en croyais déjà ce sourire de l’enfant qui vous ressemble ; j’en crois à jamais la parole de cette mère qui a dit son dernier mot et qui ne parlera plus.

C’est à Dieu maintenant qu’elle recommande son fils dans le ciel pendant que je vous le recommande sur la terre.

J’accomplis ce devoir le lendemain du jour où j’ai failli moi-même perdre mon enfant.

Il me semble que Dieu même m’inspire en ce moment. Qu’il vous inspire aussi !

Cet enfant sera sauvé dans cette vie et une mère sera réjouie dans la tombe.

Lisez ceci. J’espère en vous. J’espère en votre cœur.

Votre vieil ami.

Victor Hugo.
7 9bre 1850[1].


À F. Ponsard[2].


Paris, 3 décembre [1850].
Mon cher confrère,

Je vous remercie. J’ai lu votre livre. C’est une œuvre forte et vivante. Le souffle révolutionnaire y est mêlé au souffle humain. Vous avez su joindre un drame[3] pathétique à l’épopée formidable que donne l’histoire. Et le style est excellent. Quand je vous verrai, j’aurai plaisir à causer avec vous de tout ce qui m’a touché et charmé.

Recevez mon meilleur serrement de main.

Victor Hugo[4].
  1. Copie de Mme  Drouet. Communiquée par M. Cornuau.
  2. Ponsard se destinait au barreau, mais une traduction de Manfred, écrite en 1837, le poussa à aborder le théâtre. Sa première tragédie, Lucrèce (1843), eut d’autant plus de succès qu’elle servait, par le retour au style noble et au « bon sens », les rancunes des classiques contre le romantisme ; venant après L’échec des Burgraves, on espérait que le triomphe de Lucrèce avait à tout jamais enterré le théâtre de Victor Hugo : on joue toujours Hernani et Ruy Blas et ceux qui ont vu jouer ou lu Lucrèce sont bien rares. Les pièces de Ponsard ne réussirent qu’à moitié ; il faut en excepter L’Honneur et l’Argent et Le Lion amoureux qui restèrent assez longtemps au répertoire.
  3. Charlotte Corday, drame représenté le 23 mars 1850, fut reprise au Théâtre-Français en 1902.
  4. Le Gaulois, 24 février 1902.