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vivement[1]. C’est encore là un gage de cette douce et fraternelle intimité à laquelle je ne puis songer sans que les larmes me viennent aux yeux. Restons toujours ainsi ; notre accord, c’est notre consolation dans le présent, c’est notre triomphe dans l’avenir.

C’est un bonheur pour moi de penser que vous avez eu un peu de joie des vers qu’on vous a lus[2]. Vous m’en parlez en termes qui m’enchantent. Cet encouragement, dans un groupe comme le vôtre, c’est la gloire. J’espère que vous aurez avant peu le livre tout entier. Il y a un peu de reculade depuis la loi Faider ; mais avançons de tout ce qu’on recule ! Je comblerai l’intervalle, et le livre paraîtra bientôt, soyez tranquille. Châtiment à ces bandits ; secours à la République. C’est le double devoir que je remplis. Napoléon-le-Petit n’est que la moitié de la tâche. Puisque ce drôle a deux joues, il faut que je lui donne deux soufflets[3].


À Gustave Flaubert[4].


Croisset, près Rouen [Seine-Inférieure).
5 Mai 1853.
Marine-Terrace, 27 avril.
Monsieur Flaubert,

Permettez-vous, monsieur, que je continue d’abuser de votre bonne grâce pour transmettre cette lettre à votre amie ?[5] Elle-même m’encourage à user ainsi de votre excellent intermédiaire.

Je fais mettre cette lettre à la poste de Londres, comme la dernière que j’avais envoyée à mon collègue le représentant Savoye[6]. Vous pourrez vous en assurer en examinant le timbre.

Recevez, monsieur, mes vifs remerciements.

Victor Hugo[7].
  1. Dans sa lettre du 1er mai, Noël Parfait apprend à Victor Hugo que les proscrits résidant à Bruxelles vont faire réimprimer, pour le répandre, le discours du 20 avril.
  2. Quelques pièces des Châtiments circulaient avant la publication du volume.
  3. Le Temps, 30 juin 1903.
  4. Gustave Flaubert, en 1853, n’avait pas encore écrit ses chefs-d’œuvre ; avec la publication de Madame Bovary, les persécutions commencèrent ; il ne fut pas compris, taxé d’immoralité, il fut jugé, condamné. Victor Hugo alors ne lui ménagea pas son approbation, son appui ; ses lettres montrent pour chacune des grandes œuvres de Flaubert une admiration qui ne se démentit jamais.
  5. La correspondance de Victor Hugo était très surveillée et souvent interceptée. Victor Hugo envoyait à Flaubert les lettres destinées à Louise Colet.
  6. Savoye, juriste, avocat, représentant du Haut-Rhin en 1849, fut expulsé après le coup d’État. Il se réfugia d’abord à Bruxelles, puis à Londres.
  7. Gustave Simon. Victor Hugo et Louise Colet. Revue de France, 15 mai 1926.