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J’espère que vous avez beau temps là-bas. Quant à moi, j’étudie la langue basque, et je me promène au bord de la mer. Je ne puis voir à la nuit tombante la lame briser à mes pieds sur le sable sans songer qu’il n’y a qu’une flaque d’eau entre toi et moi. Hélas, cette flaque d’eau est l’océan.

Du reste, mon voyage est plein d’intérêt. Le moment est des plus curieux pour voir l’Espagne. J’écris toujours mon journal. Tu liras tout cela quelque jour.

Écrivez-moi toujours à Pau. Et puis viens que je t’embrasse, ma chère fille bien-aimée.


1er août.

J’apprends à l’instant que le courrier de ce pays sauvage ne partira pas pour la France avant demain 2 août. Je rouvre ma lettre et j’en profite pour te dire encore quelques mots. Un peu de papier blanc à remplir, c’est comme quelques minutes de répit avant l’adieu. Cela est précieux. Causons donc quelques instants encore, ma fillette chérie. Il me semble que je vois là ton doux regard posé sur moi et qui me dit : Oui, mon petit papa.

Et puis, pendant que je parle ainsi, voici mon papier qui se remplit ; à peine s’il m’en reste quelques lignes. Dis à ta bonne mère que je viens d’écrire à notre Charlot. J’espère que la fin d’année lui sera bonne. Chère enfant, je voudrais être à six semaines d’ici et vous avoir tous à la fois dans mes bras et sur mes genoux.

L’un des deux dessins représente le Port du Passage, admirable endroit à deux lieues d’ici[1].


À Charles[2].


Saint-Sébastien, 31 juillet 1843.

C’est avec bien du plaisir, mon Charlot, que je tiens la promesse que je t’ai faite d’écrire à M. Henri Didier. M. Didier est un digne et noble jeune homme qui a du cœur, de l’âme et de l’esprit, les trois rayons de l’intelligence. J’ai toute confiance en lui, et je l’aime parce qu’il t’aime. C’est lui qui te remettra cette lettre.

Je suis ici à peu près en Espagne, étudiant une grammaire basque qui

  1. Archives de la famille de Victor Hugo.
  2. Inédite.